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SERKIN RUDOLF (1903-1991)

Rudolf Serkin - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Rudolf Serkin

Le génie de Rudolf Serkin se dissimule derrière une biographie d'une trompeuse simplicité et d'un mutisme rare. Aucun accident passionnel, aucun de ces coups d'éclat qui bouleversent les foules ne vient déranger l'ordonnancement d'une vie tout entière dédiée à la seule musique. Digne des classiques, cette carrière d'artisan chambriste, modeste et orgueilleux. Classique encore ce répertoire qui n'accueille qu'un petit nombre d'œuvres solidement construites, qui fuit tout à la fois les épanchements pathétiques d'un certain romantisme et les aventures harmoniques et rythmiques du xxe siècle. Classique toujours ce refus des séductions faciles, ce jeu sans concession qui ose revendiquer jusqu'à l'austérité. Mais, derrière la fermeté de l'architecture, l'infaillibilité du style et la perfection digitale percent la quête anxieuse du message, la passion de la grandeur, l'exigence jamais satisfaite. Sous la maîtrise de la forme, Rudolf Serkin, infatigablement, questionne la musique.

Un enfant prodige

Rudolf Serkin naît le 28 mars 1903 à Eger, en Bohême, ville qui appartient alors à l'Empire austro-hongrois (aujourd'hui Cheb, en République tchèque). Il fait ses études au Conservatoire de Vienne. Depuis ses cinq ans, il est, à l'évidence, un enfant prodige. Josef Marx, le très conservateur, mais aussi Arnold Schönberg, qui est son contraire, assurent sa formation musicale. Richard Robert lui enseigne le piano. En 1915, il fait ses débuts avec l'Orchestre philharmonique de Vienne dans l'épineux Premier Concerto de Mendelssohn. Il a dix-sept ans quand il rencontre Adolf Busch. De ce choc fondamental naît l'influence qui dominera toute sa vie. Le grand violoniste allemand l'installe chez lui, à Berlin, et l'associe à sa carrière de chambriste. À ce pianiste de dix-huit ans il confie la difficile cadence du Cinquième Concerto brandebourgeois qu'il enregistre alors avec Marcel Moyse (flûte). Tant au concert que lors des enregistrements de disques, Rudolf Serkin devient le partenaire attitré d'Adolf Busch et de son frère violoncelliste, Hermann Busch. Étonnant pianiste qui n'hésite pas à prendre au mot une plaisanterie de son maître et ose un bis resté unique dans les annales : les Variations Goldberg de Bach !

Goebbels intervient-il afin que les Busch se séparent de lui ? C'est tous ensemble qu'ils partent alors pour la Suisse en 1933. Cette même année, Rudolf Serkin fait des débuts si éclatants aux États-Unis que Toscanini le remarque et l'appelle comme soliste en 1934 et en 1936. En 1935, Rudolf Serkin épouse Irene, fille aînée d'Adolf Busch, dont il aura en 1947 un fils, Peter, destiné lui aussi à une brillante carrière de pianiste. En 1939, il s'établit aux États-Unis, dont il adoptera la nationalité. Dès cette année, il enseigne – professeur adulé et redouté – au Curtis Institute de Philadelphie (il en sera le directeur de 1968 à 1977).

En 1950, Rudolf Serkin participe avec Clara Haskil au premier festival de Prades qu'anime un Pablo Casals enfin sorti de son silence. Avec Adolf Busch, il fonde et dirige cette même année 1950 l'école et le festival de musique de Marlboro, dans le Vermont (Marlboro Music Festival et Marlboro Summer School of Music). Ce lieu de travail collectif et d'échanges, où règne en maître la musique de chambre, attire la fine fleur des musiciens du temps : Eugene Istomin, Salvatore Accardo, Pina Carmirelli, Norbert Brainin – cofondateur du Quatuor Amadeus –, Sándor Végh, Michel Schwalbé, Shlomo Mintz... Alors s'arrête l'histoire et s'écoule le temps, au rythme des saisons de Marlboro, des cours au Curtis Institute, des concerts et des enregistrements, moments ordinaires et précieux offerts par un artiste unique qui meurt le 8 mai 1991 à Guilford, dans le Vermont.[...]

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Pour citer cet article

Pierre BRETON. SERKIN RUDOLF (1903-1991) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Rudolf Serkin - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Rudolf Serkin

Autres références

  • BUSCH ADOLF (1891-1952)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 1 130 mots

    Fondateur et premier violon du légendaire Quatuor Busch, Adolf Busch s'affirme aussi comme un des plus grands solistes de son temps. De la sonate au quintette, sans omettre le trio ni les ensembles plus importants, il se révélera un extraordinaire animateur de musique de chambre. Le violoniste...