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VADIM ROGER (1928-2000)

Lorsqu'il rencontre, en 1950, une jeune actrice débutante qui va devenir aussi célèbre dans le monde que le général de Gaulle, Roger Vladimir Plemiannikov, né à Paris le 26 janvier 1928 d'un père russe et d'une mère française, a suivi, après une enfance et une adolescence en Haute-Savoie, les cours de Charles Dullin, joué dans quelques pièces, fréquenté la bohème germanopratine du Tabou, de Boris Vian et d'Alexandre Astruc. Parfois journaliste à Paris-Match, il a débuté dans le cinéma en 1947 comme assistant, puis comme dialoguiste et scénariste de Marc Allégret, alors réalisateur de comédies enlevées et découvreur de jeunes talents. C'est ainsi que Vadim se trouve confronté à Brigitte Bardot, encourage la jeune danseuse et l'épouse en 1952.

Avec la collaboration d'un jeune producteur aventureux, Raoul Lévy, il écrit et réalise, avec un budget très modeste pour l'époque, Et Dieu créa la femme (1956). Le public est surpris, choqué par quelques nus et la liberté de comportement de l'héroïne qui dispose des hommes à son gré. Surtout, il est séduit en voyant enfin à l'écran des êtres proches. Liberté sexuelle, amoralisme, Saint-Tropez et voitures de sport demeurent des utopies pour la plupart, mais Vadim a le talent de les faire paraître accessibles. Brigitte Bardot n'est plus à l'image de la star d'antan, qu'on voyait magnifiée, fardée ou vêtue de haute couture : chemisier, jupe, robe « achetée sur le marché » sont à la portée de toutes les bourses. La jeune critique, François Truffaut en tête, salue ce qui en fait, selon Jacques Rivette, le seul film français « vivant » de l'année : les décors naturels filmés à la façon du cinéma américain, en CinémaScope couleurs, le comportement physique plus que psychologique des acteurs, et tout particulièrement de l'héroïne... Vadim ne cherche pas à fondre l'actrice dans le personnage, mais il fait découler sa Juliette de la personnalité physique et morale de Brigitte Bardot. La décontraction que l'on avait tant appréciée dans le jeu des Américains, comme le James Dean d'À l'est d'Eden, faisait enfin son entrée dans le cinéma français.

Le grand public suit un temps Vadim, mais la critique déchante vite. Sait-on jamais ? (1956) est encore défendu comme « un film de metteur en scène » (Jean-Luc Godard). Mais dès Les Bijoutiers du clair de lune (1958), Vadim apparaît plus proche de la tradition de la Qualité française, défendue par Jean Aurenche et Pierre Bost, que de Godard et Truffaut : domination du scénario, jeu très « senti » des acteurs, dialogues brillants... Adapté par Roger Vailland, Les Liaisons dangereuses 60, d'après Choderlos de Laclos, où Gérard Philipe interprète un bien fade Valmont, mêle un académisme de bon aloi à l'indispensable provocation libertine. Un jeune avocat, Me François Mitterrand, défend le film contre la censure et la Société des gens de lettres.

L'œuvre du cinéaste va désormais se contenter d'illustrer des sujets superficiellement audacieux dans un style souvent très raffiné et inoffensif : Et mourir de plaisir (1960), Le Repos du guerrier (1962), Le Vice et la vertu (1963), La Ronde (1964), La Curée (1966), Don Juan 73... Barbarella (1968), avec Jane Fonda, témoigne de ce talent incontestable dans la transposition, élégante, agréable – mais bien moins audacieuse que l'original – de la bande dessinée de Jean-Claude Forest. Un remake de son premier film, And God Created Woman (1987), aux États-Unis, confirme l'abandon de toute ambition artistique au profit du simple exercice d'un savoir-faire qu'il devient même difficile de discerner dans ses réalisations pour la télévision, comme La Nouvelle Tribu (1996).

— Joël MAGNY

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. VADIM ROGER (1928-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BARDOT BRIGITTE (1934- )

    • Écrit par Françoise PIERI, Aldo TASSONE
    • 736 mots
    • 1 média

    Star ou « femme enfant », vamp ou sauvageonne, adulée ou décriée, adorée ou honnie, Brigitte Bardot, dite B.B., a constitué assurément le mythe féminin le plus évident du cinéma des années cinquante. Des ouvrages multiples lui ont été consacrés ; des études signées d'auteurs célèbres comme Simone...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    Dès la fin des années 1950, l'érotisme s'est affranchi des codes de bonne conduite. Sur les décombres des années de guerre, Vadim propose une nouvelle sensualité dont Brigitte Bardot va être le symbole (Et Dieu créa la femme, 1956). Un langage libéré, des rapports spontanés (À bout de souffle...

Voir aussi