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ROCHESTER JOHN WILMOT DE (1647-1680)

John Wilmot, deuxième comte de Rochester (son père avait été anobli par Charles II pour le rôle qu'il avait joué en protégeant le roi à la bataille perdue de Worcester, en septembre 1651), naquit à Ditchley, près de Woodstock dans l'Oxfordshire. Il fut inscrit au Wadham College, à Oxford (d'où devait sortir la Royal Society) en 1659-1660, l'année de la Restauration. Charles II, reconnaissant envers le fils des services rendus par le père, lui octroya une pension de cinq cents livres et ne cessa de s'intéresser à lui. Il lui fit faire le « grand tour » (voyage à travers l'Europe où les jeunes aristocrates complétaient leur éducation) avec un tuteur distingué. Son voyage dura quatre ans.

À son retour, Rochester, reçu à la Cour, fut un des personnages les plus actifs et les plus séduisants de la société frivole des courtisans, des aristocrates, des poètes, des femmes élégantes, qui se pressaient autour du roi. Il mena avec entrain la vie la plus désinvolte et, bientôt, la plus dissolue qui soit. Il eut de nombreuses aventures, à commencer par son idylle avec Elizabeth Malet, une riche héritière que le roi lui avait désignée pour épouse, qu'il tenta d'enlever le 26 mai 1665, ce qui fit scandale, et qu'il ne put épouser que plus tard. Il tenta de se racheter en allant guerroyer aux Pays-Bas, puis en mer, où il prit part à diverses actions (1665). Sa vie de courtisan reprise, il mena grand train, volage, insolent, spirituel, le plus parfait roué qui soit. Ses farces indisposaient le roi, qui lui interdisait la Cour, mais lui pardonnait peu après. Sa réputation de roué était si fermement établie qu'il devint le modèle d'après lequel Etherege peignit son Dorimant, le héros de sa comédie L'Homme de la mode (The Man of Mode, 1676). Mais, à brûler la chandelle par les deux bouts, Rochester perdit sa santé et sa joie de vivre : après quatre années de misères physiques et de dépression, il rendit son âme repentante à Dieu. Son ami l'évêque Gilbert Burnet (1643-1715) l'aida à faire une fin édifiante, et de cette mort chrétienne il publia un récit attachant. Rochester ne vécut pas assez longtemps pour voir paraître le volume de ses poèmes, rassemblés par des mains étrangères et qu'il aurait peut-être répudiés. Le recueil connut plus de cinquante éditions en un siècle. On enterra le poète à Spelsburg, près de Woodstock, sous une pierre sans inscription.

La plupart des courtisans de l'époque se piquaient de poésie : vers légers pour leurs maîtresses ou leurs amis, épîtres, satires, épigrammes, chansons, tous vers de circonstance. Rochester n'y manqua point, c'est même toute son œuvre, mais il fut brillant dans ces exercices que son génie a marqués d'un ton très personnel. Il bat le distique avec autorité et rime avec esprit. La plupart de ses poèmes sont satiriques, tantôt simplement ironiques, tantôt sarcastiques et féroces, dirigés contre les personnages connus, hommes de lettres ou courtisans, grandes dames ou soubrettes friponnes dans l'entourage dissolu de Charles II, qui faisait volontiers voler le jupon. Débauché notoire, le roi lui-même n'était pas à l'abri des impudents libelles (lampoons) de son protégé. Le brocard obscène que ce dernier lui décocha en janvier 1673 le fit chasser pour un temps de la Cour. Il y revint et récidiva, renchérissant en obscénités dans son célèbre Signor Dildo (déc. 1673) qui cloue au pilori du sexe quelques duchesses aux complaisances éprouvées. Mais sa satire n'est pas toujours de corps de garde ou rabelaisienne, elle sait être profondément sérieuse, comme dans Satire contre la raison et l'humanité (A Satyr against Reason and Mankind, 1675) qu'on rapprocherait de Boileau ou de Juvénal.

Par ailleurs, certains petits poèmes, ses love lyrics (poésie amoureuse),[...]

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Écrit par

  • : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence

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Pour citer cet article

Henri FLUCHÈRE. ROCHESTER JOHN WILMOT DE (1647-1680) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

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