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ṚGVEDA ou RIG-VEDA

L'une des quatre grandes divisions des Écritures sacrées que les théologiens brahmaniques appellent le Veda (« science », « savoir »). La masse considérable des textes védiques, en effet, est divisée en quatre corpus correspondant, au moins en théorie, à diverses spécialisations liturgiques : le chant (Sāma-Veda), l'ordinaire du culte (Yajur-Veda), la magie (Atharva-Veda), la récitation solennelle (Rig-Veda). Chacun de ces corpus se veut complet et comprend effectivement des parties en vers (nommés Samhitās, c'est-à-dire « collections »), des traités rituels, des commentaires exégétiques, des livres de sagesse, etc.

Mais l'on considère unanimement que les sections les plus importantes, celles qui sont chargées de la plus grande efficacité spirituelle, sont les Samhitās où sont recueillis les poèmes : la poésie (chandas) est, en effet, un charme en elle-même. Or il se trouve que, par exemple, la majorité des stances figurant dans le Yajur-Veda sont issues de la Samhitā du Rig-Veda (Ṛgveda), qui apparaît ainsi comme le cœur de la révélation védique. La Rigveda-Samhitā (ou Riksamhitā ; ou, par abréviation, Rig-Veda) se présente comme un recueil de 1 028 hymnes (sūkta : « chose bien dite ») groupant au total un peu plus de mille stances (ṛc, mot qu'on retrouve dans ṛgveda).

Chaque poème est dédié soit à un dieu (Indra, Agni, Varuna...), soit aux dieux jumeaux que sont les A'svins, parfois à plusieurs divinités (on y rencontre des hymnes « à tous les dieux »). Il existe également un petit nombre de ballades et quelques poèmes spéculatifs (cosmogonies, louange de la Parole divine, de la Concorde entre les hommes). Les mètres utilisés sont relativement nombreux, les plus courants étant l'anu'stubh (stance de quatre vers octosyllabiques), la trishtubh (quatre vers hendécasyllabiques) et la gāyatrī (trois vers octosyllabiques), dont on dit qu'elle est sacrée entre toutes (sans doute parce que la prière initiatique dite sāvitrī, « l'incitatrice », est une gāyatrī extraite d'un hymne au Soleil du Rig-Veda).

Aux yeux des hindous, le Rig-Veda est « non humain » : il existe de toute éternité et, au début de chaque cycle cosmique, il est révélé aux hommes de façon miraculeuse. Ceux qui reçoivent cette révélation, sous la forme de « visions », sont appelés rishis (ṛṣi). La Samhitā du Rig-Veda donne les noms de quelques-uns d'entre eux, tels Vishvāmitra, Uddālaka, Gritsamada, Atri, Vasi'stha, Bhrigu. Mais ces personnages sont mythiques, et la tradition les présente comme des demi-dieux vivant hors du temps et de l'espace.

Le problème de la datation des hymnes n'est pas moins difficile : ces textes sont rédigés en un sanskrit très archaïque que la comparaison philologique avec les autres langues indo-européennes invite à situer au début du ~ IIe millénaire ; toutefois, certaines strophes peuvent avoir été composées bien avant, tandis que beaucoup d'autres datent du ~ Ier millénaire. La compilation définitive a dû se faire vers l'an ~ 1000, car le canon était déjà clos au moment de l'apparition du bouddhisme (~ vie s.). Bien que ces hymnes aient une destination exclusivement liturgique (il s'agit d'une littérature de techniciens du culte), ils ne manquent pas de valeur poétique : ferveur religieuse, hardiesse de la pensée et de l'expression, richesse du vocabulaire contribuent à retenir l'attention du lecteur malgré la monotonie de ces mille cantiques, qui sont tous de facture semblable et célèbrent uniformément les vertus divines.

Rappelons enfin que les hymnes ne sont pas tout le Rig-Veda, mais seulement la Samhitā de ce corpus, lequel comprend aussi, comme il est de règle, des traités rituels (Kalpa-Sūtras), tels ceux de l'école shānkhāyana, des Brāhmanas (commentaires exégétiques),[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. ṚGVEDA ou RIG-VEDA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CASTES

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 5 962 mots
    ...de la société et sont encore appelés Smṛti, « Tradition ». Mais leur conception est déjà attestée dans le plus ancien des textes indiens, le Rgveda (X, 90, 12), qui les fait correspondre aux diverses parties du corps de l'Homme cosmique et s'exprime ainsi : « Le brahmane fut sa bouche ; le royal...
  • CRÉATION - Les mythes de la création

    • Écrit par Mircea ELIADE
    • 5 099 mots
    • 2 médias
    ...cosmogonies des Indiens de l'Amérique du Nord. Mais le thème se rencontre également dans les traditions védiques et brahmaniques. Selon le fameux hymne du Rig Veda, x, 129, au commencement il n'existait ni le Non-Être ni l'Être ; dans les ténèbres et l'indistinct l'Un prit naissance par l'échauffement. Le...
  • ENFERS ET PARADIS

    • Écrit par Olivier CLÉMENT, Mircea ELIADE
    • 6 311 mots
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    Une hymne célèbre au Soma (Rig Veda, IX, 113) nous révèle le désir de l'Indien védique de prendre place, après la mort, auprès des dieux immortels, dans les mondes de lumière :
  • GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) - Grammaire et langage dans l'Inde ancienne

    • Écrit par Pierre-Sylvain FILLIOZAT
    • 3 019 mots
    ...La réflexion sur le langage apparaît, dans l'Inde, aussi ancienne que l'utilisation littéraire. Le monument le plus éloigné, qui nous soit parvenu, le Ṛgveda (env. xve s. av. J.-C.), contient déjà des spéculations sur la parole humaine, qui est dite avoir trois parts cachées, un quart seulement en étant...
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Voir aussi