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QUENEAU RAYMOND (1903-1976)

Le romancier

L'évidente importance des recherches et des découvertes langagières dans le travail de l'écrivain a conduit la plupart des analystes à négliger ses exceptionnelles qualités de romancier : Queneau est un admirable créateur de figures et un merveilleux conteur d'histoires.

Ses personnages sont divers, bien qu'on puisse les répartir en deux familles assez homogènes : les héros et les gens ordinaires. Pour aller vite, nous dirons que les héros, ce sont ceux qui pensent : ils ne pensent pas forcément comme leur auteur, mais enfin ils font fonctionner leur cervelle, comme un outil d'investigation. Les gens ordinaires sont rebelles à tout effort cérébral, et absorbent benoîtement les idées des autres quand elles parviennent jusqu'à eux.

Il faut ici réserver un paragraphe particulier aux personnages féminins. Les « héroïnes » sont décrites par Queneau avec une force et une tendresse peu communes. Ainsi, c'est presque toujours à leur énergique obstination que les hommes (leurs maris, leurs amants) doivent leur salut. C'est le cas d'Odile (Odile), de Noémi (Les Enfants du limon), d'Annette (Un rude hiver), de LN (Le Vol d'Icare). Mieux, même : en y regardant de plus près, on découvrira que les femmes que l'on peut tenir pour « ordinaires » jouent elles aussi, dans leur ménage ou leur famille, un rôle déterminant : Sidonie Cloche (Le Chiendent) et Julia (Le Dimanche de la vie) sont les éléments moteurs des romans qu'elles habitent.

Ces personnages, Queneau les place dans des situations généralement insolites, pleines de développements nombreux et de péripéties surprenantes. Plusieurs de ses romans présentent même différentes intrigues enchevêtrées, ce qui les rend impossibles à résumer : c'est le cas du Chiendent et de Pierrot, déjà cités, mais aussi des Derniers Jours, des Enfants du limon, de Saint-Glinglin. On remarquera également qu'en un temps où les écrivains « sérieux » abandonnaient volontiers les émotions sentimentales aux auteurs populaires, Raymond Queneau publiait, avec Odile et Un rude hiver, deux romans d'amour graves, profonds et bouleversants.

On ne peut pas quitter le chapitre des personnages sans observer que, parmi d'autres, plus fugitives, une question têtue court d'un livre à l'autre, de la prose à la poésie, et c'est : « Qu'est-ce qu'un personnage de roman ? » Cette question, qui forme la trame du Chiendent, se trouve explicitement posée dans Le Vol d'Icare. On observera que Raymond Queneau, en écrivain rebelle à toute confession publique, a subtilement déplacé le traditionnel problème d'identité, devenu, sous la forme : « Mais qui suis-je donc ? » le pont-aux-ânes des littérateurs contemporains.

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Pour citer cet article

Jacques BENS. QUENEAU RAYMOND (1903-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BLAVIER ANDRÉ (1922-2001)

    • Écrit par Jean-Didier WAGNEUR
    • 658 mots

    Né le 23 octobre 1922 à Hodimont (Belgique), André Blavier commence à se passionner pour les « fous littéraires » alors qu'il est jeune bibliothécaire à Verviers. Il va rassembler ce qui deviendra une des plus belles bibliothèques consacrées non seulement à ce thème, mais aussi au surréalisme et...

  • LE DIMANCHE DE LA VIE, Raymond Queneau - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 024 mots

    Publié en 1952, Le Dimanche de la vie est le huitième des romans de Raymond Queneau. Succédant aux Exercices de style (1947), dont il a la virtuosité d'écriture, précédant Zazie dans le métro (1959), dont il possède déjà la fantaisie langagière, il leur ajoute une dimension douce-amère...

  • FOURIÉRISME

    • Écrit par Simone DEBOUT-OLESZKIEWICZ
    • 4 186 mots
    Pour Raymond Queneau, « l'intime alliage de la poésie et des mathématiques donne son sens le plus profond et les fondations les plus fermes à la « folle » entreprise de libération qui fut celle de Fourier », mais si la « poésie » est l'expression de ce que nous sommes et que nous ignorons, elle se confond...
  • FOUS LITTÉRAIRES

    • Écrit par Jean-Jacques LECERCLE
    • 5 635 mots
    Entendue au sens strict, l'expression désigne les auteurs qui firent l'objet des recherches de Raymond Queneau dans les années trente, et dont il incorpora les résultats à son roman, Les Enfants du limon (1938), dans lequel le héros s'intéresse à son tour de près aux fous littéraires.
  • Afficher les 11 références

Voir aussi