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QUEVEDO Y VILLEGAS FRANCISCO GÓMEZ DE (1580-1645)

Prince de l'esprit, Quevedo a laissé une œuvre multiple et contrastée. Poésie satirique et lyrique, roman, théâtre, conte burlesque, essai critique, prose philosophique, il n'est aucun de ces genres où il n'ait brillé. Mais, sous ces formes diverses, apparaît la même Espagne d'un Siècle d'or sur son déclin, cette Espagne que regarde, avec tendresse et chagrin, un écrivain trop lucide pour ne pas être désenchanté.

Jeux d'épée, jeux de plume

Madrilène de naissance, Francisco Gómez de Quevedo y Villegas a été formé à la grande université d'Alcalá de Henares, puis à celle de Valladolid ; mais il leur préfère bientôt la cour et ses intrigues. On l'accuse de meurtre, il fuit. Il entre au service du vice-roi de Sicile et, de l'Italie à Madrid, il se fait colporteur de secrètes missions. Il s'échappe de Venise conjurée sous l'habit d'un mendiant, pendant que, dans la ville, on brûle son effigie. Il se sépare de sa femme un an après son mariage. Il connaît les faveurs royales, puis la prison. Sa terre de La Torre de Juan Abad est aussi souvent pour lui le cadre de l'exil que celui du repos. Quatre années – de 1639 à 1643 – passées dans un infâme cachot du couvent de San Marcos de León ont raison de sa santé, déjà délicate ; il ne jouit que peu de temps de la liberté retrouvée et meurt à Villanueva de los Infantes un an plus tard.

Mais comment son humeur inquiète, sans cesse aux aguets, volontiers agressive et souvent turbulente, aurait-elle pu lui assurer une paisible existence ? Boiteux, mais fin bretteur, il aime et sait se battre, et n'a pas moins de goût pour les querelles littéraires : défenseur du « conceptisme », qui détourne les mots au service d'une pensée subtile, ingénieuse à l'extrême, il pourfend Góngora et ses sectateurs « cultéranistes », partisans d'une langue poétique difficile, où l'ornement vaut pour lui-même. De ces joutes, il reste une œuvre frappée au coin du génie. Dans les ardentes strophes adressées à une mystérieuse Lisi, dans les sonnets burlesques, dans les poèmes métaphysiques, se manifestent une prodigieuse imagination et une parfaite maîtrise de la langue. On y trouve de délicates métaphores, les jeux de mots les plus grossiers et, souvent, les problèmes essentiels, posés avec gravité ; ainsi, le spectre de la mort apparaît à chaque détour :

Et je n'ai trouvé chose où reposer ma vue Qui ne me fût mémoire de la mort.

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur d'État, professeur à l'université de Limoges, conseiller technique au secrétariat général de la présidence de la République

Classification

Pour citer cet article

Michèle GENDREAU-MASSALOUX. QUEVEDO Y VILLEGAS FRANCISCO GÓMEZ DE (1580-1645) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LA VIE DU BUSCÓN, Francisco de Quevedo y Villegas - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 810 mots

    La Vie de l'aventurier don Pablos de Ségovie, vagabond exemplaire et miroir des filous, tel est le titre de ce roman de Quevedo (1580-1645), couramment désigné simplement par El Buscón, autrement dit « le gueux » ou « le vaurien ». Œuvre de jeunesse, écrit vers 1604, La Vie du Buscón...

  • CONCEPTISME, littérature

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 372 mots

    De l'espagnol conceptismo. Le trait, la pointe, la saillie, le mot d'esprit, alliant le paradoxe de l'ambiguïté, le brillant à l'inattendu, l'hermétisme à la profondeur, voilà ce qui caractérise le conceptisme, qui joue avec l'idée ou le vocable à la différence du cultisme (ou ...

  • DÉCADENCE

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 9 945 mots
    ...un ouvrage, The Fall of Man (1616), qui traite, « à la lumière de la raison naturelle », du déclin cosmique, de la décadence de l'univers. Annonçant Rousseau, c'est à la dégradation des manières, à la corruption par le luxe d'un idéal originel de frugalité, à la décadence de la moralité qu'est...
  • ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean CASSOU, Corinne CRISTINI, Jean-Pierre RESSOT
    • 13 749 mots
    • 4 médias
    C'est dans ce même climat de fierté et de solitude que l'on doit situer Francisco de Quevedo (1580-1645), aussi curieux de savoir encyclopédique que d'aventures politiques. Il connut la plus grande fortune et les plus affreuses chutes et mourut dans la mélancolie. Ses Songes, ses ...
  • GÓNGORA Y ARGOTE LUIS DE (1561-1627)

    • Écrit par Claude ESTEBAN
    • 2 217 mots
    ...Castille donnèrent lieu à de nombreux poèmes, satiriques ou sérieux, liés aux paysages, aux villes, aux sociétés que Góngora eut le loisir d'observer. Sa renommée ne fait que grandir à la cour après 1605, ce qui, très vite, lui vaut l'inimitié puis la haine farouche de Francisco de Quevedo, brillant écrivain...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi