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PORT-ROYAL

Louis XIV contre Port-Royal

Avec le début du règne personnel de Louis XIV (1661), l'attitude du pouvoir se durcit. Depuis plusieurs années, l'assemblée du clergé avait dressé un formulaire, imposé à la signature de tous les ecclésiastiques, portant condamnation des cinq propositions et les attribuant formellement à Jansénius. Le « bras séculier » était prêt à intervenir pour faire exécuter cette mesure. En 1661, le formulaire fut soumis à la signature des religieuses de Port-Royal. Celles-ci voulaient bien accepter le jugement de Rome sur la doctrine, sur le droit, mais, pour le fait, elles se refusaient à y souscrire, estimant qu'elles commettraient un mensonge en portant témoignage de ce qu'elles ignoraient, tout en diffamant un évêque ami de leur maître Saint-Cyran. Plusieurs artifices imaginés par leurs conseillers pour atténuer la portée de la signature leur inspirèrent une grande méfiance. Ces aménagements se révélèrent d'ailleurs inefficaces, la Cour refusant toute restriction. Plus intransigeantes que tous leurs amis, les religieuses étaient aussi plus vulnérables ; elles n'avaient pas la ressource de se cacher ou de fuir. Entre leur faiblesse et la force du plus puissant roi d'Europe allait s'engager une lutte pathétique, qui devait se poursuivre pendant une cinquantaine d'années, avec des alternances de crises et d'accalmies.

L'offensive fut menée, en août 1664, par l'archevêque de Paris Hardouin de Péréfixe, ancien précepteur de Louis XIV, dont les outrances verbales firent éclater la supériorité intellectuelle et morale de ses adversaires. Les rebelles, parmi lesquelles douze furent envoyées en captivité dans divers monastères, privées des sacrements, se retrouvèrent en 1665 à Port-Royal des Champs, désormais séparé de la maison de Paris.

En 1669, la distinction du droit et du fait ayant été reconnue par le pape et le roi, la paix de l'Église s'établit et Port-Royal des Champs connut un brillant réveil, avec une nouvelle génération de religieuses éminentes, telle la mère Angélique de Saint-Jean, nièce de la première mère Angélique, avec le retour des solitaires et l'accroissement du nombre des amis. Les Penséesde Pascal étaient publiées. Arnauld et Nicole s'illustraient par leurs ouvrages. Le Maistre de Sacy commençait à publier sa Bible.

Ce succès même contribua à la ruine de la paix. En 1679, la maison reçut l'ordre de renvoyer pensionnaires et postulantes. C'était, à terme, une condamnation à mort. Arnauld, menacé, s'exilait définitivement.

Une lente extinction ne parut pas suffisante à Louis XIV. En 1706, les querelles s'étant réveillées sur le droit et le fait, la persécution violente reprit. Elle aboutit, en 1709, à la dispersion des religieuses, puis, de 1711 à 1713, à la destruction du monastère et à l'exhumation de tous les corps qui s'y trouvaient ensevelis.

Port-Royal était devenu un symbole. Celui, dit-on souvent, de la conscience contre l'autorité. C'est donner au témoignage des religieuses une signification purement humaine qu'elles n'eussent pas acceptée. Ce qu'elles exprimaient avec toute leur énergie, c'est qu'il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes.

— Jean MESNARD

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean MESNARD. PORT-ROYAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Isaac Louis Le Maître de Sacy</it>, P. de Champaigne - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Isaac Louis Le Maître de Sacy, P. de Champaigne

Autres références

  • ARNAULD, ARNAULT ou ARNAUT LES

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 1 259 mots

    Famille originaire d'Auvergne, établie à Paris au milieu du xvie siècle, époque de sa première ascension et, sans doute, de son anoblissement. Gens de loi et de finances, hommes d'épée, hommes d'État s'y côtoient. Cependant c'est dans le domaine des lettres et surtout dans celui de la vie...

  • BOILEAU NICOLAS (1636-1711)

    • Écrit par Pierre CLARAC
    • 1 841 mots
    • 1 média
    C'est contre la casuistique qu'il mènera son dernier combat. Il n'avait jamais masqué sa sympathie pour la logique et la dure morale de Port-Royal, alors persécuté. Les Provinciales lui semblaient le seul ouvrage de son siècle qui pût être comparé aux chefs-d'œuvre des Anciens. Contre la dispense...
  • BOUHOURS DOMINIQUE (1628-1702)

    • Écrit par Jean MARMIER
    • 277 mots

    Le plus « honnête homme » de la Compagnie de Jésus, et le plus estimé dans le monde, malgré une formation théologique, reçue à Bourges, et une carrière enseignante, commencée à Tours, puis vouée à des préceptorats flatteurs. L'éducation des jeunes princes de Longueville, celle de Seignelay, fils...

  • CHAMPAIGNE PHILIPPE DE (1602-1674)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 046 mots
    • 5 médias
    ...1648, musée du Louvre ; Omer Talon, 1649, National Gallery of Art, Washington) que dans l'œuvre religieux (travaux pour les chartreux puis pour Port-Royal). De loin en loin ressurgissent cependant les envolées du baroque antérieur comme dans les cartons de tapisserie de la Légende de saint Gervais...
  • Afficher les 20 références

Voir aussi