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PORT-ROYAL

La gloire et les luttes

Rien d'essentiel ne sera désormais ajouté à l'esprit de Port-Royal. Mais il eut sa plus grande vigueur dans les quelque vingt années qui suivirent la mort de l'abbé de Saint-Cyran.

L'abbaye de Port-Royal atteignit alors son plus haut degré de prospérité. Les bâtiments du monastère de Paris furent agrandis et s'ornèrent d'une chapelle dessinée par Le Pautre. Le nombre des religieuses obligea, en 1648, à rouvrir le monastère des Champs. Les solitaires, plus nombreux aussi, occupèrent alors la maison des Granges, où de nouvelles constructions furent élevées pour les Petites Écoles.

<it>Isaac Louis Le Maître de Sacy</it>, P. de Champaigne - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Isaac Louis Le Maître de Sacy, P. de Champaigne

Le rayonnement de Port-Royal attirait à lui de nombreuses personnalités d'élite et aussi beaucoup de fidèles obscurs. Citons, parmi les religieuses, auprès desquelles la mère Angélique garda jusqu'à sa mort (1661) la plus haute autorité morale, Jacqueline Pascal ; parmi les solitaires, Arnauld d'Andilly, Le Maistre de Sacy, Pierre Nicole ; parmi les élèves des Petites Écoles, Jean Racine ; parmi les familiers vivant dans le monde, des hommes aussi divers, par l'origine sociale et par l'éducation, que les ducs de Luynes et de Liancourt, les magistrats Du Gué de Bagnols et Maignart de Bernières, le savant Blaise Pascal.

Centre de vie intellectuelle et religieuse, Port-Royal publiait des ouvrages de piété et des traités pédagogiques dont les plus importants resteront la Grammaire et la Logique.

Cependant, la polémique mobilisait beaucoup d'énergies. Des controverses furent suscitées par La Fréquente Communion et surtout par l'Augustinus, ouvrage posthume de Jansénius, évêque d'Ypres. Publié en 1640, ce gros in-folio en latin, qui systématisait un peu brutalement la doctrine de saint Augustin sur la grâce, n'était accessible qu'à des théologiens de profession. Saint-Cyran n'avait aucunement participé à sa rédaction, mais il était lui-même augustinien et ami de Jansénius ; comme il avait été le maître spirituel de Port-Royal, les religieuses furent impliquées dans une controverse qui les dépassait.

Elles demeurèrent cependant à l'écart des polémiques, lesquelles s'amplifièrent après la définition, en 1649, des cinq propositions prétendument tirées de l'Augustinus, et, plus encore, lorsque celles-ci furent condamnées à Rome, en 1653, et qu'Arnauld eut établi la célèbre distinction du droit et du fait, acceptant ainsi de condamner les propositions, mais niant qu'elles fussent dans l'Augustinus. Parmi les innombrables pièces du débat se trouve une œuvre exceptionnellement brillante et profonde : les fameuses Provinciales de Pascal (1656-1657).

Protestant de leur fidélité à l'Église et refusant le schisme, les gens de Port-Royal ne pouvaient être inquiétés que par l'autorité politique. En 1656, les solitaires furent dispersés. La même année, toutefois, le miracle dit « de la Sainte Épine » parut être un signe de Dieu qui donna confiance aux persécutés et dérouta les persécuteurs. Mais, en 1657, les cinq propositions étaient de nouveau condamnées à Rome. En 1660, les Petites Écoles furent fermées. Jusque-là préservées, les religieuses allaient être les prochaines victimes.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean MESNARD. PORT-ROYAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Isaac Louis Le Maître de Sacy</it>, P. de Champaigne - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Isaac Louis Le Maître de Sacy, P. de Champaigne

Autres références

  • ARNAULD, ARNAULT ou ARNAUT LES

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 1 259 mots

    Famille originaire d'Auvergne, établie à Paris au milieu du xvie siècle, époque de sa première ascension et, sans doute, de son anoblissement. Gens de loi et de finances, hommes d'épée, hommes d'État s'y côtoient. Cependant c'est dans le domaine des lettres et surtout dans celui de la vie...

  • BOILEAU NICOLAS (1636-1711)

    • Écrit par Pierre CLARAC
    • 1 841 mots
    • 1 média
    C'est contre la casuistique qu'il mènera son dernier combat. Il n'avait jamais masqué sa sympathie pour la logique et la dure morale de Port-Royal, alors persécuté. Les Provinciales lui semblaient le seul ouvrage de son siècle qui pût être comparé aux chefs-d'œuvre des Anciens. Contre la dispense...
  • BOUHOURS DOMINIQUE (1628-1702)

    • Écrit par Jean MARMIER
    • 277 mots

    Le plus « honnête homme » de la Compagnie de Jésus, et le plus estimé dans le monde, malgré une formation théologique, reçue à Bourges, et une carrière enseignante, commencée à Tours, puis vouée à des préceptorats flatteurs. L'éducation des jeunes princes de Longueville, celle de Seignelay, fils...

  • CHAMPAIGNE PHILIPPE DE (1602-1674)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 046 mots
    • 5 médias
    ...1648, musée du Louvre ; Omer Talon, 1649, National Gallery of Art, Washington) que dans l'œuvre religieux (travaux pour les chartreux puis pour Port-Royal). De loin en loin ressurgissent cependant les envolées du baroque antérieur comme dans les cartons de tapisserie de la Légende de saint Gervais...
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Voir aussi