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PENSÉES, Blaise Pascal Fiche de lecture

À la mort de Blaise Pascal (1623-1662), on recueillit un « amas de pensées détachées » (plus d'un millier) destinées à former ultérieurement un traité. Les Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmy ses papiers, on les nomma alors ainsi, furent publiées pour la première fois par Port-Royal en 1670. Cette première édition reprenait le classement de Pascal en vingt-sept liasses, toutes écrites entre 1656 et 1659, avec pour chacune un titre donné par l'auteur. Depuis lors, de nombreux érudits ont cherché à reconstituer l'ordre de ces fragments épars. Recueil posthume, fragments, apologie inachevée, défense de la doctrine catholique du jansénisme (dont Port-Royal était le berceau) et dépassement du jansénisme, tout concourt à faire des Pensées le texte le plus problématique de toute la littérature française. Les éditions actuelles courantes sont au nombre de cinq, au moins, et proposent autant de choix, de classements, donc de traditions critiques différentes. Pour passer de l'édition Brunschvig (1904), aux éditions Lafuma (1947 à 1962), Le Guern (1977), Chevalier (1954) ou Sellier (1991), il faut donc des tables de concordance. Mais les interprétations, elles, ne concordent que fort peu.

Blaise Pascal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Blaise Pascal

Blaise Pascal - crédits : Bibliothèque du patrimoine Clermont Métropole, Boyer 2034 ; CC BY-SA

Blaise Pascal

L'ambivalence du texte

Il faut d'abord savoir que ces pièces détachées – de quelques mots à des discours longs et parfaitement élaborés comme « La Différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse », « L'Imagination », « Le Divertissement » ou bien « La Disproportion de l'homme » – nous sont restées sur des papiers de taille diverse qui, selon les proches de Pascal, auraient dû être ensuite repris à l'intérieur d'un véritable traité intitulé Apologie de la religion chrétienne. Et l'on sait que cette idée de traité apparut à Pascal en 1656, après « le miracle de la Sainte-Épine », sa nièce ayant été guérie d'une tumeur après qu'on lui eut apposé une épine de la couronne du Christ.

Ainsi, ces papiers, découpés par Pascal lui-même, avaient été classés en liasses ; toutefois celles-ci furent ensuite retranscrites, après sa mort, par un de ses proches : on possède ainsi les liasses, ce qui donne lieu à une première tradition éditoriale, et un texte recopié, ce qui donne lieu à d'autres traditions interprétatives (Lafuma, Sellier).

Cette apologie aurait donc eu pour volonté de traiter d'abord de la misère de l'homme sans Dieu, puis de la grandeur de l'homme avec Dieu. Or l'inachèvement même ne permet pas de savoir si ce but et ce plan peuvent être considérés comme absolument indiscutables, ni même si le caractère fragmentaire du texte était souhaité par Pascal ou considéré par lui comme simplement transitoire ; quant au classement, il en est de même.

Ainsi, si l'on choisit de penser que la volonté d'aboutir à un traité apologétique est première, on cherchera à minorer les effets de l'inachèvement en supposant que Pascal ne cesse d'entraîner le lecteur dans une conversion et qu'il n'est pas lui-même sujet au doute ; si bien que les difficultés d'interprétation et les contradictions ne viendraient que de l'inachèvement. On suppose alors un « sens », et un seul, pour l'écriture comme pour la lecture, un sens janséniste, bien entendu, qui irait, selon Lafuma et Pol Ernst, vers une unification de la pensée. Pol Ernst va, quant à lui, jusqu'à reconstituer une chronologie de la composition des Pensées en fonction de la démonstration apologétique.

Si au contraire on pense que Pascal lui-même, dans la mesure où il s'exprime par des fragments parfois contradictoires, est en proie au doute, et qu'il cherche en vain, ou dans la fièvre, ou dans le raisonnement, un Dieu caché au point qu'il[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre

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Pour citer cet article

Christian BIET. PENSÉES, Blaise Pascal - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Blaise Pascal - crédits : Bibliothèque du patrimoine Clermont Métropole, Boyer 2034 ; CC BY-SA

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Blaise Pascal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Blaise Pascal

Autres références

  • BONHEUR (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 593 mots
    ...paradoxe explique pourquoi l’homme a si souvent choisi, plus ou moins lucidement, la voie de l’inconscience. Pourquoi il a choisi de se plonger dans ce que Blaise Pascal (1623-1662) nomme « divertissement » : « Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre...
  • FRAGMENT, littérature et musique

    • Écrit par Daniel CHARLES, Daniel OSTER
    • 9 372 mots
    • 2 médias
    On a pu se demander si la fragmentation des Pensées de Pascal, bien loin d'être le fait du seul hasard et de l'interruption fortuite, n'était pas constitutive de son projet apologétique même. Ne s'agissait-il pas pour lui d'écrire de telle façon que le « je » ne soit pas transcendant...
  • JUSTICE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 431 mots
    ...savoir comment déterminer la règle juste lorsque, de deux véhicules, l’un doit laisser le passage à l’autre. « Que l’on a bien fait, note l’auteur des Pensées, de distinguer les hommes par l’extérieur, plutôt que par les qualités intérieures ! Qui passera de nous deux ? Qui cédera la place à l’autre ?...
  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

    • Écrit par Patrick DANDREY
    • 7 270 mots
    ...centrées sur une anthropologie de l’amour-propre, c’est-à-dire l’amour de soi-même, auquel sont rapportées toutes les pensées et les conduites humaines ; les Pensées de Pascal, scindées en maximes, réflexions et méditations brèves par la mort prématurée de l’auteur qui voulait en tirer une Apologie...

Voir aussi