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VIANSSON-PONTÉ PIERRE (1920-1979)

Que l'histoire se charge vite, très vite, de tout changer, « les journalistes le savent bien, eux qui ne sont du temps que nous vivons que les témoins, les greffiers », écrivit un jour Pierre Viansson-Ponté qui terminait son Histoire de la République gaullienne (2 vol., 1970-1971) par cette profession de foi : « [...] ce qui importe, plus que de gémir sur le malheur des temps, que de maudire son époque, que de tenter l'autopsie du monde fini, c'est d'essayer maintenant de comprendre quel monde commence. » Ce programme, « P.V.P. » l'avait fait sien dans sa vie comme dans son travail. Sa vie, ce fut d'abord, à vingt ans (il était né le 2 août 1920 à Clisson, Loire-Atlantique), la guerre. Après un diplôme d'études supérieures de droit public et d'économie politique et un doctorat en droit, il s'engage en 1940 et prend part comme aspirant aux opérations de la 6e armée, dans le 501e régiment de chars. Il est grièvement blessé. Ensuite, ce sera la Résistance, l'arrestation par la Gestapo, la Libération, les premières expériences de journalisme à Montpellier, avec la fondation de L'Homme libre, organe régional du Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés, et la réorganisation du bureau de l'agence France-Presse.

Vient le temps de L'Express. C'est en 1953 – après avoir occupé pendant quatre ans la fonction d'éditorialiste et chef adjoint du service politique de l'A.F.P. – que Viansson-Ponté fonde, avec Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, cet hebdomadaire d'un style nouveau, dont il devient en 1955 le rédacteur en chef. La création de L'Express fait date dans l'histoire de la IVe République. Cheville ouvrière de l'hebdomadaire, « P.V.P. » représente, par sa façon différente d'aborder la politique, une conception moderne du journalisme, au moment où Pierre Mendès France, fortement soutenu par L'Express, incarne une conception moderne de la politique.

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Proche de quelques grands écrivains, Camus, Malraux, Mauriac, plus tard Montherlant, il s'intéresse à la psychologie des hommes et à la sensibilité de l'époque. Ses portraits (ceux de Jean Monnet ou Louis Armand) comme ses entretiens (avec Jean-Paul Sartre par exemple) attestent une volonté d'ausculter toutes les facettes d'une personnalité. Ses analyses mettent en évidence des courants d'idées, des mouvements d'opinion.

Cette démarche, Viansson-Ponté va la développer, l'enrichir, dans les nombreux écrits – articles et livres – qu'il publiera après son départ de L'Express. En 1958, il devient, en effet, chef du service politique du Monde, il commente les faits et gestes des gaullistes (Les Gaullistes, rituel et annuaire, sera le titre de son premier livre important, en 1963) et des autres (il racontera ses relations ambiguës avec François Mitterrand, notamment lors de l'affaire de l'Observatoire). Il est de ceux qui comprennent la nature du nouveau régime et savent aller au-delà du spectacle des jeux parlementaires pour voir les forces réelles dont dépend l'évolution des choses et approcher « l'inanalysable, l'impalpable, l'impondérable, en un mot l'élément humain ».

La perception de « l'impalpable » est aussi ce qui caractérise l'article que l'on doit citer entre tous, « Quand la France s'ennuie ». Deux mois avant Mai-68, l'auteur constate le malaise de la société française, cet état de précrise qui ne demande qu'à éclater. Vision prémonitoire du futur qui repose sur une vue clairvoyante du présent.

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Les dernières années de sa vie, Viansson-Ponté les consacrera à ses chroniques hebdomadaires du Monde aujourd'hui qui, de 1972 à 1979, à travers l'observation des multiples aspects de l'existence quotidienne, feront la plus grande part à cet « élément humain » qu'il a toujours cherché à saisir. Ses héros ne sont plus les vedettes de la vie publique (auxquelles il dédie cependant, en 1976, sa caustique Lettre ouverte aux hommes politiques) mais la foule anonyme des Français, dont il décrit les habitudes, les goûts, les aspirations, au hasard des sujets : l'automobile, la chasse, la publicité, la télévision, la vieillesse et l'enfance, la psychose de la guerre, le régionalisme, etc. Et ces « scènes de la rue », ces « brindilles », ces petits faits sont riches de sens.

Réunis en trois volumes ces textes apparaissent comme la radioscopie d'une société en mutation, où se lisent les traces du passé et les linéaments de l'avenir.

Dans son dernier livre, Changer la mort (1977), dialogue avec le professeur Léon Schwartzenberg sur le cancer, Viansson-Ponté approfondit sa réflexion sur les hommes et leur temps, à propos de cette maladie qui devait l'emporter deux ans plus tard.

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Viansson-Ponté, qui collaborait par ailleurs à de nombreuses publications, françaises et étrangères, aura donné ainsi au métier de journaliste sa vraie dimension, celle de l'écrivain public, porte-parole de ses concitoyens, reflet de son époque, mais aussi, à sa façon, acteur de l'histoire.

— Thomas FERENCZI

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, médiateur du journal Le Monde

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