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GENNES PIERRE-GILLES DE (1932-2007)

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La science communicative

Membre de l'Institut et de nombreuses académies internationales, Pierre-Gilles de Gennes est toujours resté un savant modeste qui utilisait volontiers le « nous » ou le « on » pour parler de ses découvertes, se réservant le « je » pour parler de ses erreurs. Dans un délicieux court ouvrage, Petit point... (2002), il stigmatise en des portraits cryptés les défauts rencontrés chez quelques partenaires scientifiques, qu'il évite quant à lui pour la plupart. À l'E.S.P.C.I. qu'il dirigea pendant vingt-six ans, il a réformé profondément l'enseignement en introduisant un préceptorat en petits groupes et en élargissant la formation de tous les élèves par l'introduction de la biologie.

Ses collaborateurs et élèves peuvent s'appliquer cette phrase de Khalil Gibran dans Le Prophète : « Toutes les fois que je vais à la source, je trouve la source elle-même assoiffée. » À travers les activités des groupes qu'il a mis en place, à travers les contacts pris avec le monde de la recherche publique et privée ainsi que de l'industrie, de Gennes a su à la fois être une « source » d'inspiration mais aussi tirer parti des informations extérieures les plus variées et parfois inattendues. Mais cette boulimie de découverte ne débouchait que parce que de Gennes avait un sens d'observation scientifique hors du commun, sa grande intuition lui permettant d'arriver à des constructions complexes à partir des modèles simples qu'il inventait. Le rôle de l'image était toujours essentiel pour lui, qui utilisait le tableau noir avec élégance tout comme il aimait, lors de ses voyages, fixer ses observations par le dessin. On peut évoquer, à propos du prix Nobel attribué à de Gennes pour l'ensemble de son œuvre, les noms de Lev Davidovitch Landau, fondateur de la physique théorique moderne en U.R.S.S., et de Richard P. Feynman, dont la curiosité et l'imagination débridées s'expriment aussi bien dans les fameuses Lectures in Physics destinées à des étudiants américains débutants que dans des livres autobiographiques. Les écrits et les approches de ces trois grands physiciens ont fortement influencé la physique moderne actuelle. Pour ces trois grands pédagogues, penser simple et dire simple sont les deux faces d'un même génie universel.

Enjoué, passionné, Pierre-Gilles de Gennes était aussi un sportif accompli. Son exemple est important alors même que se manifeste une volonté affirmée de renforcer l'aspect concret de la formation scientifique à l'école. Très certainement, parmi les lycéens qu'il a rencontrés dans les années qui ont suivi son prix Nobel, nombre de vocations scientifiques se seront éveillées. De façon indirecte, les cours – même ceux, non publiés, qui portent par exemple sur l'hydrodynamique physique – de Pierre-Gilles de Gennes, professeur au Collège de France de 1979 à 2000, ont aussi été une source d'inspiration pour de nombreux enseignants. À l'apprentissage classique des lycées et collèges fondé sur des exercices répétitifs – ce qu'il appelait « faire des gammes » –, De Gennes opposait une autre conception et proposait un autre modèle : il nous invite encore aujourd'hui à écrire nos propres partitions en partant d'une meilleure approche sensible des phénomènes physiques.

Le physicien Pierre-Gilles de Gennes nous a quittés le 18 mai 2007, à Orsay, à la suite d'une longue maladie à laquelle il a fait face avec élégance et courage, en continuant son activité de recherche jusqu'au dernier jour.

— Étienne GUYON

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Écrit par

  • : directeur honoraire de l'École normale supérieure, Paris

Classification

Pour citer cet article

Étienne GUYON. GENNES PIERRE-GILLES DE (1932-2007) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Média

Diversité des applications de la matière, P.-G. de Gennes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Diversité des applications de la matière, P.-G. de Gennes

Autres références

  • MACROMOLÉCULES

    • Écrit par , et
    • 13 744 mots
    • 5 médias
    Les travaux de P.-G de Gennes et ses collaborateurs sont venus compléter la théorie de Flory, qui s'est montrée impuissante à rendre compte de la variation des dimensions d'une chaîne avec la concentration du milieu. Tant qu'on se situe dans le domaine des solutions diluées, la grandeur caractéristique...