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DENIKER PIERRE (1917-1998)

Membre de l'Académie nationale de médecine, Pierre Deniker a effectué sa carrière en qualité de professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Cochin et chef du service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique de l'hôpital Sainte-Anne. D'abord interne puis assistant dans cet hôpital, il fut l'élève proche de Jean Delay. Leurs travaux ont donné naissance à la psychopharmacologie moderne : à ce titre, en juillet 1998, l'International Collegium of Neuropsychopharmacology marquait une nouvelle fois sa gratitude à Pierre Deniker en lui remettant un prix pour son rôle de pionnier dans le traitement des maladies mentales.

En effet, c'est au printemps de 1952 que Delay et Deniker ont rapporté leurs observations révolutionnaires : un agent pharmacologique (la chlorpromazine) s'avérait capable de réduire les symptômes psychotiques. À partir de cette molécule allait naître une classe de médicaments que Delay et Deniker choisirent d'appeler les neuroleptiques.

Le grand mérite de Jean Delay et Pierre Deniker dans cette découverte clinique fut de concevoir ce qui était alors loin d'être évident pour tous : un agent chimique peut modifier les croyances délirantes et autres manifestations psychotiques. À partir de là, les deux psychiatres de Sainte-Anne poursuivirent leurs travaux : description des effets psychotropes du Rauwolfia serpentina en 1954 ; élaboration d'une classification des médicaments psychotropes ; participation à la démonstration des effets antidépresseurs des I.M.A.O. (inhibiteurs de la monoamine-oxydase).

En 1957 le jury du prix Lasker (Association américaine de santé publique) a couronné Pierre Deniker pour ses travaux sur les neuroleptiques. Cette récompense était largement méritée.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Pierre Deniker, fait prisonnier en 1940, fut détenu jusqu'en 1941. Il fut ensuite engagé volontaire des Forces françaises combattantes. La croix du combattant volontaire de la Résistance lui fut logiquement décernée. Chevalier de la Légion d'honneur (1968), chevalier de l'ordre national du mérite (1968), Pierre Deniker était aussi docteur honoris causa de l'université Aristote de Thessalonique (1977), Distingued Fellow de l'American Psychiatric Association (1977).

Clinicien passionné, curieux, toujours soucieux de faire progresser les soins, il ouvrit en 1974 à Paris un des deux centres français habilités à délivrer de la méthadone aux toxicomanes, à un moment où peu s'intéressaient à ces pathologies. Ce n'est que plus de vingt ans plus tard que beaucoup ont enfin reconnu l'intérêt des traitements de substitution.

Son intelligence prospective le poussait à s'intéresser à des aspects trop peu connus de la psychiatrie : le trouble de l'identité de genre, la psychopathologie des délinquants. Toujours novateur, il fut l'un des premiers psychiatres à aider l'autorité judiciaire à gérer les problèmes posés par le sort douloureux des transsexuels marginalisés par leur trouble. Il a travaillé pour la reconnaissance de cette pathologie aujourd'hui prise en compte par la Sécurité sociale.

Pierre Deniker se méfiait des théories. Il considérait le malade comme son maître : celui auprès duquel il n'a jamais cessé d'apprendre et celui qu'il a servi au long d'une vie professionnelle exceptionnelle.

Rédacteur en chef, après Jean Delay, de la revue de psychiatrie L'Encéphale, il a écrit de nombreux articles scientifiques et ouvrages parmi lesquels se distinguent : La Psychopharmacologie (coll. Que sais-je ?, P.U.F.), Maniement des médicaments psychotropes (Doin), La Dépression, fin du tunnel (Plon), Les Drogues (Plon), Fou, moi ? (avec J.-P. Olié, Odile Jacob).

— Jean-Pierre OLIÉ

— Henri LOO

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Écrit par

  • : Professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Cochin (Paris-V), chef de service Hôpital Sainte-Anne Paris
  • : Professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Cochin (Paris-V), chef de service Hôpital Sainte-Anne Paris

Classification

Pour citer cet article

Henri LOO et Jean-Pierre OLIÉ. DENIKER PIERRE (1917-1998) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CORRESPONDANCE 1954-1968 (P. Celan, R. Char) - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 972 mots

    Ce volume de correspondance rassemble les quarante-cinq lettres, les onze cartes postales, les quarante dédicaces de livres, opuscules, poèmes, traductions et les quelques autres documents que s’adressèrent, de juillet 1954 à octobre 1968, le poète juif d’Europe orientale Paul Celan (1920-1970)...

  • DELAY JEAN (1907-1987)

    • Écrit par Jean MÉTELLUS
    • 1 038 mots

    De sa naissance à Bayonne le 14 novembre 1907 jusqu'à sa tétralogie généalogique Avant mémoire, en passant par l'Académie de médecine et l'Académie francaise, chaque moment de la vie de Jean Delay a fait l'objet d'enquêtes, de réflexions, et tout n'a suscité qu'admiration. Delay a-t-il pu...

  • NEUROSÉDATION : LA CHLORPROMAZINE

    • Écrit par François CHAST
    • 279 mots

    En 1950, en France, Henri Laborit chirurgien de la Navale, recherche avec un anesthésiste, Pierre Huguenard, la combinaison idéale de différents médicaments afin de mettre au point un « cocktail lytique » permettant de prévenir le choc opératoire. Il suffirait pour protéger l'organisme, d'inhiber...

  • PSYCHOPHARMACOLOGIE

    • Écrit par Nicolas HOERTEL, Pierre LAVAUD
    • 7 007 mots

    La psychopharmacologie se consacre à l’étude des substances naturelles ou synthétiques dont l'effet principal s'exerce sur le psychisme. Pierre Deniker (1917-1998), qui en est l’un des fondateurs, la décrit comme « la science des agents chimiques capables d'influer sur l'état mental...

Voir aussi