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RAMETTE PHILIPPE (1961- )

Un art en apesanteur

La rencontre en 1996 avec le photographe Marc Domage va donner un tour nouveau à la démarche de Philippe Ramette qui a définitivement cessé de peindre en 1992. Le plasticien se met en scène dans des situations extravagantes, toujours serein et vêtu de son costume sombre. Oubliant le fond neutre réservé à la photographie d'objets, Ramette fait entrer dans ses cadres des paysages agrestes ou urbains, soumis aux lois ordinaires de la physique qu'il s'applique à mettre à mal. Balcon I (1996) montre le personnage debout et à l'horizontale, appuyé à la rambarde d'une loggia émergeant d'une fosse qu'on imagine mortuaire ; Balcon II (2001) renouvellera la performance en la transposant dans la baie de Hong Kong. Contemporain des manipulations informatiques dont la photographie commence à faire un très large usage, le travail de Ramette s'affirme bientôt comme un défi à la pesanteur, sans aucun recours à la retouche d’image. Le projet conçu à partir d’un dessin fidèle fait intervenir des prothèses, ces supports complexes solidement appareillés par le designer Mathieu Paillard, et dissimulés au moment de la prise de vue. Après des cours de plongée et au moyen de semelles lestées de plomb, Philippe Ramette produit au début des années 2000 la série spectaculaire Exploration rationnelle des fonds sous-marins, avec notamment Le Socle rationnel (hommage à la Mafia) [2002] et Le Contact (2006), suivis de la non moins surprenante Inversion de pesanteur (2003).

L'exposition présentée en 2011 à Nîmes par le Centre régional d'art contemporain du Languedoc-Roussillon montre un nouveau tournant dans l'œuvre de Philippe Ramette, annoncé par la photographie L'Ombre (de moi-même) [2007]. On y voit sur le sol l'ombre d'un corps d'homme nu, débarrassé du costume noir défait et gisant au sol, à la manière d'une mue. L'installation préfigure la disparition du personnage élégant et léger, confirmée en 2011 par les deux autoportraits de l'artiste enlaidi, le triptyque déformé du Portrait tragicomique etÉloge de la clandestinité(Hommage à la résistance), dans lequel surprennent une tonsure volontaire et le port de lunettes cerclées d'or. Toujours au seuil de cette dernière période, la vaste installation Le Funambule (2011) laisse courir sur un ensemble de supports verticaux une longue ligne sinueuse, contemporaine des sculptures représentant l'artiste nu. En consacrant l'abandon des installations spectaculaires qui avait fait la célébrité de Philippe Ramette, ces « silhouettes » en résine polyester noires ou blanches interrogent, dans leurs attitudes diverses, la relation de l'artiste au monde qu'il s'est créé.

— Hervé LE GOFF

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Pour citer cet article

Hervé LE GOFF. RAMETTE PHILIPPE (1961- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    ...espace préparé et photographié se retrouve chez le couple d'Italiens Gianfranco Botto et Roberta Bruno et dans une certaine mesure dans le travail de Philippe Ramette, quand, en costume bleu et au prix d'une élaboration de supports complexes mais invisibles, il se photographie en situation apparente...

Voir aussi