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PERCEPTION DU TEMPS

La perception du temps diffère des autres formes de perception. En effet, contrairement à la vision ou l’audition, le temps n’est pas une réalité physique que l’on peut directement capter au moyen d’un organe sensoriel spécifique, qui transformerait l’information temporelle en influx nerveux. Autrement dit, le temps n’a pas d’existence sensorielle. On parle néanmoins de perception du temps, car l’homme fait preuve d’une incroyable précision dans ses estimations temporelles, bien que celles-ci soient sujettes à des distorsions. Il y a distorsion quand le temps d’un événement est jugé plus court ou plus long que son temps de référence, celui mesuré par une montre.

L’estimation du temps

Du fait de l’absence de récepteur sensoriel du temps, les chercheurs ont envisagé plusieurs solutions pour rendre compte de l’estimation du temps chez l’être humain. Selon la première, celui-ci utiliserait des indices externes. S’il compte, la durée serait déterminée par le nombre d’unités comptées. S’il ne compte pas, son estimation serait alors fondée sur le traitement d’indices non temporels tirés de son environnement (quantité, mouvement), ou de l’analyse de sa propre activité ou de celle d’autrui (fatigue ressentie, effort fourni, état émotionnel). Faire deux fois le tour d’un pâté de maisons demande effectivement moins de temps que d’en faire trois fois le tour. Le temps écoulé pour effectuer un déplacement est également plus court à grande qu’à faible vitesse. Si l’on effectue une activité fatigante ou difficile, ce serait donc la fatigue ressentie ou l’effort cognitif fourni qui déterminerait le jugement temporel.

La deuxième solution, envisagée plus tardivement, est que l’humain utiliserait des indices internes produits par son cerveau (impulsions, oscillateurs neuronaux) pour mesurer le temps. Les chercheurs ont alors imaginé un système dit d’horloge interne, consulté de façon consciente (jugement explicite du temps) ou inconsciente (jugement implicite du temps). Cette horloge interne cérébrale fournirait donc une mesure du temps qui passe. Selon les approches théoriques, on trouve donc des expériences où les chercheurs ne fournissent aucun repère externe – ils demandent seulement aux sujets d’évaluer l’intervalle temporel entre deux bips ou la durée d’un simple stimulus (une figure sur un écran d’ordinateur, par exemple) – et d’autres au cours desquelles ils présentent de nombreux indices externes dans l’intervalle temporel. Pendant celui-ci, les sujets devront alors effectuer une activité plus ou moins difficile ou assister au déplacement d’un objet à des vitesses variables (stimulus) avant d’estimer le temps écoulé.

De nos jours, la psychologie s’oriente vers une troisième solution plus intégrative suivant laquelle l’être humain recourrait, pour estimer le temps, à des indices internes (horloge interne) ou externes, voire aux deux, selon les conditions de jugement (importance des durées, saillance des informations non temporelles, etc.). On distingue ainsi le jugement prospectif du jugement rétrospectif. Dans la condition prospective, le sujet sait qu’il aura à évaluer la durée d’un événement. Dans la condition rétrospective, il le découvre seulement après la présentation de l’événement. Or, le jugement temporel prospectif relève de processus à proprement parler temporels (horloge interne), alors que le jugement temporel rétrospectif met en jeu des processus de reconstruction cognitive fondés sur des informations non temporelles récupérées en mémoire. Le jugement des durées longues de plusieurs minutes impliquerait aussi ces processus cognitifs de reconstruction. La psychologie s’emploie donc à étudier la perception du temps et ses variations dans différents contextes, afin de définir le type de jugement temporel sollicité et les mécanismes sous-jacents, mais aussi les limites du système temporel (lois[...]

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Écrit par

  • : professeure des Universités en psychologie, Laboratoire de psychologie sociale et cognitive, CNRS, UMR 6024, université Clermont-Auvergne, Clermont-Ferrand

Classification

Pour citer cet article

Sylvie DROIT-VOLET. PERCEPTION DU TEMPS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DÉVELOPPEMENT DU TEMPS, psychologie

    • Écrit par Sylvie DROIT-VOLET
    • 2 097 mots
    ...l’évaluation de la durée d’événements ou de l’intervalle temporel entre deux événements, de quelques millisecondes à plusieurs minutes, on parle de perception du temps. La perception du temps n’est pas une capacité spécifique à notre espèce. Les animaux comme les êtres humains sont capables d’estimations...
  • PERCEPTION (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 227 mots
    Il en va de même en ce qui concerne le temps. Nous ne percevons pas le temps, nous percevons dans un temps que nous construisons. « Un chemin “objectivement” plus long peut être plus court qu’un chemin “objectivement” très court [...] si ce chemin paraît à celui qui le parcourt infiniment long », note...
  • TROUBLES DISSOCIATIFS

    • Écrit par Cédric LEMOGNE
    • 4 724 mots
    ...vis-à-vis de son propre fonctionnement mental (émotions, pensées, souvenirs, etc.), de son corps ou de son identité personnelle. Une déformation de la perception du temps peut également être associée. La déréalisation se caractérise quant à elle par la survenue d’expériences d'irréalité ou de détachement...

Voir aussi