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CALDERÓN DE LA BARCA PEDRO (1600-1681)

Pedro Calderón de la Barca - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Pedro Calderón de la Barca

Calderón est le plus grand des dramaturges espagnols : ses origines, son expérience et sa culture rendent compte des idées, des sentiments, des thèmes et des sujets qu'il expose et développe dans cent vingt comédies, quatre-vingts autos sacramentales et quelques intermèdes. Sa souche paysanne et castillane fait de lui un parvenu, soucieux de ne le paraître pas et, pourtant, enclin à défendre la digne paysannerie contre les mauvais seigneurs. Sa jeunesse turbulente à Madrid, sa carrière à la Cour, son entrée tardive dans les ordres et la charge qu'il assume auprès de Philippe IV et de Charles II expliquent les comédies de philosophie politique, les pièces lyriques et à grand spectacle et les drames historiques et hagiographiques. À la noblesse, il donne des leçons de noblesse, au clergé, des leçons d'orthodoxie, et au petit peuple, des leçons d'humilité. Ajoutons qu'il fut élevé par les Jésuites et qu'il tâta sans conviction de la carrière des armes. Enfin, pour lui comme pour ses contemporains, tout dans la vie et dans l'histoire est tragi-comédie.

Un théâtre enraciné

Calderón se propose d'énoncer et de résoudre sur la scène, et à l'intention d'un public compréhensif, des problèmes types nés alors des contradictions intérieures de la société et de l'homme dans ses rapports avec les autres, avec le monde.

Ainsi, Dame ou fantôme (La Dama duende) enseigne aux filles à berner l'autorité des frères et des parents, mais pour la bonne cause, le mariage. Maison à deux issues (Casa con dos puertas) fixe une limite à l'audace des garçons en âge de s'émanciper. Le Médecin de son honneur (El Médico de su honra, 1635) montre comment, dans un cas extrême, un homme peut défendre son honneur sans contrevenir à ses devoirs de vassal quand son épouse est sollicitée d'amour par un prince royal (on tue simplement la pauvre femme innocente). La vie est un songe(La vida es sueño, 1636) détourne le souverain de la tentation du machiavélisme : Dieu a voulu l'hérédité de la couronne et non expressément la prospérité de l'État ; et puis la notion de Bien, qui n'est pas absente de nos rêves, doit guider notre vie. Le Mage prodigieux (El Mágico prodigioso) démontre le caractère fallacieux et dangereux de la science conçue comme finalité et non comme moyen. La Dévotion à la Croix (La Devoción de la Cruz), souligne la miraculeuse importance de la piété extérieure et rituelle, signe efficace d'une présence spirituelle chez l'être le plus fourvoyé. L'Alcade de Zalamea (1644) oppose paysans et soldats ; le roi tranche, de droit divin, le conflit entre la juridiction civile et la juridiction militaire, et c'est en faveur de la dignité humaine, de l'honneur, patrimoine commun. Écho et Narcisse, comédie lyrique et spectaculaire, célèbre la fête anniversaire d'une petite infante et traite des problèmes psychologiques d'une jeunesse trop choyée, gâtée. La Statue de Prométhée souligne les insuffisances de la théologie païenne au niveau du gouvernement des hommes : il convient de conjuguer les armes avec les lettres, l'action avec la pensée dans une commune soumission à l'autorité divine et à la Providence, seule loi de l'histoire.

Les hommes du peuple sont toujours présents dans les comédies de cape et d'épée, courtoises, philosophiques, bibliques, hagiographiques, mythologiques, historiques ou légendaires. Mais ils apparaissent comme des bouffons (graciosos), pleutres et bassement matérialistes, toutefois doués de bon sens et d'une excellente intuition, car Dieu parle par la bouche des simples d'esprit et des simples en esprit.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur de l'Institut d'études hispaniques de l'université de Paris

Classification

Pour citer cet article

Charles Vincent AUBRUN. CALDERÓN DE LA BARCA PEDRO (1600-1681) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Pedro Calderón de la Barca - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Pedro Calderón de la Barca

Autres références

  • AUTO SACRAMENTAL

    • Écrit par Marcel BATAILLON
    • 3 125 mots
    • 1 média
    Avec Pedro Calderón de la Barca, la dramaturgie espagnole, sans s'astreindre aux sacro-saintes « unités », atteint à une perfection qui est surtout maîtrise dans l'agencement des intrigues comiques ou tragiques. De plus en plus il émerveillera ses contemporains par cet art de « proposer, objecter et...
  • COMEDIA, Espagne

    • Écrit par Charles Vincent AUBRUN
    • 2 605 mots
    ...actrices. Au début de son règne s'épanouit la comédie de cape et d'épée, joyeuse avec ses aventures galantes, ses rixes et ses sérénades. Le jeune Calderón de la Barca y affûte une nouvelle dramaturgie, rapide, brillante, ponctuée de coups de théâtre (Dame ou fantôme, 1629). Le Mexicain Ruiz...
  • ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean CASSOU, Corinne CRISTINI, Jean-Pierre RESSOT
    • 13 749 mots
    • 4 médias
    Son successeur dans la gloire, Calderón de la Barca (1600-1681), avec ses pièces comme avec ses autos sacramentales, qui sont des représentations liturgiques et théologiques, relève du conceptisme. Aussi sa vigueur dramatique aboutit-elle à tout instant à un lyrisme systématique d'une scintillante beauté....
  • LA VIE EST UN SONGE, Pedro Calderón de la Barca - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 884 mots
    • 1 média

    Chef-d'œuvre du théâtre universel, La vie est un songe, de Pedro Calderón de la Barca, fut écrit en 1634-1635, sous le règne de Philippe IV, et publié à Madrid, en 1636. Les éléments esthétiques de la culture baroque, dont cette comedia est un témoignage éclatant, expliquent la...

Voir aussi