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OCRES

Jaunes ou rouges, naturelles ou artificielles, les ocres représentent une variété de pigments d'une large gamme colorée, qui doivent leur coloration à des sels minéraux (les terres étant constituées de sables, d'argile, d'humus et de sels minéraux). Les terres naturelles d'ocre (sable et argile), dont la coloration dépend du pourcentage plus ou moins élevé (entre 20 et 70 p. 100) de sels d'oxyde de fer et de manganèse, sont utilisées depuis la préhistoire. Elles ont toujours constitué une base essentielle de la palette du peintre, à cause de leur très large répartition géographique et de leur commodité relative de maniement sur les enduits utilisés.

On distingue les ocres d'origine naturelle et artificielle (terres de mars), les ocres jaunes et les ocres rouges. Les ocres jaunes du type limonites-oxydes de fer hydratés (Fe2O3H2O), de différentes formes et nuances (elles deviennent rouges en brûlant), constituent un matériau hétérogène fait d'un mélange de silicate (incolore) de magnésium et de particules jaunes et brunes isotopiques. Elles présentent un caractère de stabilité en demeurant insensibles aux acides et aux alcalis. Elles peuvent être, selon leur origine, très « couvrantes » ou présenter une « transparence » relative, comme la terre de Sienne. D'un pouvoir biréfringent (double réfraction de la lumière), elles sont véhiculées facilement par l'eau et peuvent être mélangées à différents liants. D'un usage assez répandu dès la préhistoire, elles existent vers ~ 60 000 à l'état natif, et semblent avoir été soumises à la calcination vers ~ 30 000 (Arcy-sur-Cure, France). Elles ont été couramment utilisées pour la décoration des grottes les plus célèbres (Lascaux et Altamira, par exemple) conjointement avec des noirs de manganèse, pour figurer les pelages d'animaux, particulièrement. On les retrouve, plus tard, dans toutes les peintures murales d'Égypte, de Mésopotamie, des pays du monde égéen, d'Étrurie et constamment dans les peintures murales du Moyen Âge (par exemple à Saint-Savin-sur-Gartempe) et de la Renaissance. Leur très forte qualité d'absorption les a toujours fait utiliser pour constituer des « dessous » solides, à condition de prendre des précautions pour les couleurs superficielles.

<it>La Flagellée et la bacchante</it> - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

La Flagellée et la bacchante

Les ocres rouges proviennent de la combustion de l'ocre jaune ou d'une terre rouge — variété d'hématite (Fe2O3) associée à différentes impuretés (argile, silice, titane...). D'une très grande variété de coloration — du rouge rosâtre au rouge violacé — elles furent utilisées dans les peintures de Pompéi et d'Herculanum en particulier.

Recommandées par Cennini pour la fresque (Libro dell'arte, chap. xlii, xlv), toutes ces terres possèdent parfois un pouvoir « envahissant » qui devient un danger pour les couleurs plus transparentes ou organiques. On connaît le résultat désastreux de l'emploi que faisait Poussin dans ses toiles d'une préparation à base d'ocre rouge.

La terre de Sienne constitue une variété toscane (mais on la rencontre ailleurs, dans le Harz). Oxyde ferrique hydraté, beaucoup moins opaque, elle joue un très grand rôle dans la combinaison des bruns dont la mode se développe en Italie dans la deuxième moitié du xve siècle. Brûlée, elle offre une qualité particulière de brun qui la différencie nettement de la sinopia (Pline, xxxi, 6 et Cennini, xxxviii), autre variété d'ocre rouge naturelle, mais beaucoup moins pure. Ainsi dénommée par référence à une origine géographique antique (terre de Sinope), la sinopia (avec sa variété de Pouzzolane) a servi autant aux dessins préparatoires de fresques qu'à la peinture elle-même. Elle donne, quand on la mélange avec du blanc, le cinabrese de Cennini qui est utilisé pour représenter les chairs (il ne faut pas[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, peintre et écrivain

Classification

Pour citer cet article

Jean RUDEL. OCRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>La Flagellée et la bacchante</it> - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

La Flagellée et la bacchante

Autres références

  • MÉSOLITHIQUE

    • Écrit par Michel ORLIAC
    • 6 940 mots
    • 20 médias
    ...a également deux incinérations et des indices de cannibalisme, alors que la position fléchie est de règle à Skateholm. Dans les trois cimetières, de l'ocre et des offrandes sont déposés dans les sépultures, comme dans les autres nécropoles mésolithiques (Muge, Oleni-Ostrov, etc.). À Skateholm II,...
  • PRÉHISTORIQUE ART

    • Écrit par Laurence DENÈS, Jean-Loïc LE QUELLEC, Michel ORLIAC, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Denis VIALOU
    • 27 722 mots
    • 11 médias
    ...l'ancienneté de la technique picturale dans les abris du Périgord ; ce qui n'a rien de surprenant si l'on considère la longue tradition de l'emploi de l' ocre rouge dans des habitats et des sépultures du Paléolithique moyen et du début du Paléolithique supérieur. L'utilisation de colorants au cours du Solutréen...
  • SIBÉRIE

    • Écrit par Vadime ELISSEEFF, Pascal MARCHAND, Guy MENNESSIER
    • 14 170 mots
    • 6 médias
    ...pour la pêche à la ligne a pour conséquence une plus grande rareté des poissons-leurres utilisés pour la pêche au harpon. Enfin, l'emploi massif de l' ocre dans le rituel funéraire laisse présager de profonds bouleversements économiques et sociaux. C'est l'aube du métal et de la culture chalcolithique...

Voir aussi