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BOUVIER NICOLAS (1929-1998)

Écrivain suisse, voyageur, photographe et poète, Nicolas Bouvier est né le 6 mars 1929 au Grand-Lancy, près de Genève, dans un milieu cultivé, marqué du côté de sa mère par un protestantisme sévère dont il se débarrassera plus tard. Son père amène à la maison les célébrités qui fréquentent la bibliothèque universitaire dont il est vice-directeur. Le jeune Nicolas rencontre ainsi Marguerite Yourcenar, Thomas Mann, Robert Musil, Hermann Hesse.

À l’écoute de la polyphonie du monde

Aussitôt après des études de droit et de lettres, en 1953, il part dans sa Fiat Topolino pour un voyage de trois ans qui le conduira de Genève au Japon, via la passe de Khyber et Ceylan (auj. Sri Lanka). La première partie de ce voyage, entrepris avec le peintre Thierry Vernet (1927-1993) et qui va de la Yougoslavie au Kurdistan, sera racontée dans L'Usage du monde (1963), illustré avec les croquis de son compagnon de route. L'ouvrage évoque les terres de l'Asie, la recherche des « lieux auspicieux », les instants d'intense présence aux choses, en une invitation incessante à goûter la douceur de la vie comme s'il fallait mourir demain. Récit d'un Montaigne contemporain où l'Histoire est omniprésente, L'Usage du monde est devenu un livre culte pour de nombreux écrivains français et étrangers, complété en 2001 par L'Œil du voyageur, qui propose les photographies prises par l'auteur au cours de ce voyage.

Nicolas Bouvier - crédits : Roger-Viollet

Nicolas Bouvier

Dans Japon (1967), puis dans Chronique japonaise (1975), qui en constitue la reprise et le développement, la perception du poids du passé se double d'une attention aiguë à l'instant, aux odeurs, aux bruissements de rire du présent, à une fête paysanne, à une excursion au nord, dans l'île de Hokkaidō. Bouvier fait au Japon l'apprentissage de la photographie, et son premier livre sur le pays du Soleil levant est illustré de magnifiques images : visages, épouvantails, sumotoris, idéogrammes, stèles votives s'ajoutent aux photos d'un mur troué devant lequel passent des êtres humains. Ce passage incessant sur fond fixe restitue sans exotisme un pays à la fois dynamique et figé dans ses traditions pluriséculaires, et la condition de l'homme destiné à passer et à disparaître.

La mobilité de Chronique japonaise contraste avec l'atmosphère stagnante du récit suivant, Le Poisson-Scorpion (1981), noire distillation d'une expérience de douleur et de solitude, vécue dans l'île de Ceylan. Dans ce conte tropical traversé par la magie noire, non-être et malheur s'opposent aux instants pleins des textes précédents, équilibrant l'œuvre de Bouvier entre les deux pôles essentiels de sa vision du monde, le mouvement et l'immobilité, le bonheur extrême et l'extrême malheur, les lieux bénéfiques et les lieux maléfiques, le réel et le surnaturel, qui sont des constantes de tous ses ouvrages.

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Pise, Italie

Classification

Pour citer cet article

Anne-Marie JATON. BOUVIER NICOLAS (1929-1998) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Nicolas Bouvier - crédits : Roger-Viollet

Nicolas Bouvier

Autres références

  • L'USAGE DU MONDE, Nicolas Bouvier - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 579 mots

    En juin 1953, après des études de lettres et de droit, le jeune Nicolas Bouvier (1929-1998) quitte sa Suisse natale pour un périple de près de trois ans qui le mènera jusqu’au Japon. L’Usage du monde est le récit de la première partie de ce voyage, effectué en compagnie de son ami, le peintre...

  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 7 220 mots
    • 5 médias
    ...Mudimbe. En Suisse romande, sous l’impulsion du critique, journaliste et éditeur Bertil Galland, se développe une réflexion sur l’identité culturelle. Le roman (Jacques Chessex), la poésie (Philippe Jaccottet) et lerécit de voyage (Nicolas Bouvier) viennent illustrer la spécificité romande.

Voir aussi