Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HAWTHORNE NATHANIEL (1804-1864)

Nathaniel Hawthorne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Nathaniel Hawthorne

Des germes de rêveries fantasques et tragiques déposés dans une âme enfantine, la hantise d'une malédiction ancestrale aboutirent, chez le jeune Nathaniel Hawthorne, à la naissance d'images stylisées, allégoriques, pourtant chargées d'ambiguïté, parmi lesquelles des figures tantôt angéliques, tantôt démoniaques – souvent les deux à la fois –, féminines et masculines, maternelles et paternelles s'affrontent de façon dramatique et symbolique. Car l'enfer et le paradis sont, pour Hawthorne, des provinces de sa propre conscience. Le domaine théologique de la psyché se confond chez lui avec le domaine onirique : les meilleurs Contes de l'auteur et La Lettre écarlateen fournissent l'illustration. En revanche, les œuvres postérieures à 1850 marquent un déclin et l'emprise de la sclérose allégorique sur la vitalité créatrice. Car l'être créateur qui naît grâce à des circonstances particulières évolue, grandit, finit souvent par disparaître avant l'homme qui lui a donné asile. Reste alors l'œuvre ; celle de Hawthorne a marqué la littérature des États-Unis.

Les germes oniriques

Nathaniel Hawthorne naquit à Salem dans le Massachusetts ; il mourut en voyage à Porstmouth dans le New Hampshire à l'âge de soixante ans. Très tôt orphelin de père – le capitaine Hawthorne était mort en Guyane hollandaise alors que son fils avait quatre ans –, le jeune Nathaniel fut élevé par une mère très belle, mais que son veuvage rendait distante et quelque peu austère ; il se vit, de surcroît, condamné accidentellement à l'immobilité pendant des mois. L'imaginaire prenant le pas sur le réel, l'esprit de l'enfant fut bientôt le lieu de rencontre de tous les fantômes qui hantaient plus ou moins la communauté où il vivait et, tout particulièrement, sa famille. La tradition voulait que le juge Hawthorne, persécuteur de quakers et de sorcières, ait reçu la malédiction d'une de ses victimes : « Dieu vous donnera du sang à boire ! » Nathaniel vit-il dans l'accident qui le privait de l'usage de ses jambes une conséquence lointaine de ce cri lancé du haut d'un gibet ? Une imagination strictement théologique eût été écrasée par le sentiment de la culpabilité et de la prédestination. Mais la fantaisie poétique, déjà « hawthornesque », de l'enfant était d'une autre nature. Loin de se contenter du tourment que lui infligeait sa fantaisie, il se faisait de ces images un spectacle particulier.

Ainsi se produisit le dédoublement psychique aux conséquences fertiles qui permit la transposition dramatique des diverses tendances du moi profond de l'artiste, dont les racines nous sont révélées dans le conte du Doux Enfant (dans les Twice-Old Tales, 1837). Admirable ambiguïté de ce portrait de l'artiste en invalide de douze ans. En face d'Ilbrahim, le petit quaker persécuté, à la délicatesse de fille, à la pureté angélique, le petit puritain cruel, contrefait, à l'imagination diabolique : les deux pôles extrêmes du moi du jeune Hawthorne sont là, l'ange et le démon, la cruauté et la sensibilité, le persécuteur et le persécuté. Le déchaînement de la violence enfantine, dans la scène où l'on voit Ilbrahim battu presque à mort par ses compagnons de jeu – car il s'agit d'un jeu ! –, a la crudité d'un fait divers moderne. On la retrouve chez W. Faulkner, chez W. Styron. Elle anticipe les délires orgiaques du Festin nu (1959) de W.  Burroughs qui auraient bien pu aussi trouver aliment dans les parfums délétères du jardin du docteur Rappacini.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand

Classification

Pour citer cet article

Jean NORMAND. HAWTHORNE NATHANIEL (1804-1864) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Nathaniel Hawthorne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Nathaniel Hawthorne

Autres références

  • LA LETTRE ÉCARLATE, Nathaniel Hawthorne - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel FABRE
    • 1 061 mots

    Les expériences et les tendances contradictoires de Nathaniel Hawthorne (1804-1864), écrivain qui est peut-être le plus représentatif des États-Unis du xixe siècle, convergent dans La Lettre écarlate, son meilleur roman, publié en 1850, et que Henry James considérait, quarante ans plus tard,...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...; ou bien ce héros n'est-il qu'un usurpateur, un Jay Gatsby, par exemple, qui renie ses parents, invente sa nouvelle identité et se fait bootlegger ? Hawthorne avait depuis longtemps proclamé que la lignée des propriétaires de la maison aux sept pignons (The House of the Seven Gables, 1851) ne fondait...
  • JAMES HENRY (1843-1916)

    • Écrit par Diane de MARGERIE
    • 2 121 mots
    • 2 médias
    ...qui la domine, et de nombreux prétendants refusés. Ce portrait qui se construit par touches est inoubliable, tout comme celui d'une autre puritaine, Hester Prynne de La Lettre écarlate : James a d'ailleurs plus d'une affinité avecNathaniel Hawthorne, auquel il consacra un livre en 1879.

Voir aussi