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MUSICALES (TRADITIONS) Musique d'Afrique noire

Tradition orale

La première constatation qui s'impose est l'appartenance des musiques africaines au vaste domaine international des musiques de tradition orale : la musique est conçue, organisée, enseignée, conservée en dehors de tout système d'écriture. Contrairement à ce que certains pourraient croire, l'absence d'écriture musicale ne signifie nullement qu'en Afrique la musique se pratique instinctivement et s'improvise librement ; d'ailleurs, l'écriture musicale telle qu'elle est conçue en Occident depuis la fin du Moyen Âge, mais surtout à partir de la Renaissance, a joué un rôle primordial sur la musique elle-même, entraînant celle-ci dans une aventure unique dans l'histoire de la musique mondiale. Les civilisations asiatiques, dont on reconnaît maintenant la haute valeur de l'art musical, n'ont jamais imaginé et développé la musique à partir de l'écriture. D'ailleurs, il apparaît qu'à l'heure actuelle les compositeurs contemporains occidentaux qui recherchent de nouvelles voies musicales s'écartent, par la force des choses, du système de notation traditionnel, tant celui-ci est consubstantiellement lié au type de musique qu'il servait. Le premier caractère général de la musique en Afrique – le fait que celle-ci ne soit pas écrite – ne peut apparaître comme remarquable que du point de vue de la musique savante occidentale, puisque partout ailleurs les musiques sont aussi de tradition orale. Il reste que la conception occidentale de la musique (surtout de la musique dite classique), la manière dont elle est composée puis déchiffrée, travaillée, interprétée, exécutée dans un certain contexte (le concert) rendent pour cela malaisée l'approche des musiques de tradition orale. C'est ainsi par exemple qu'on risque de prendre certains traits pour caractéristiques de telle musique africaine parce que différents de la musique occidentale écrite, alors qu'ils sont communs à toutes les musiques de tradition orale (cf. ethnologie - Ethnomusicologie).

Il existe plusieurs façons très différentes, voire opposées, d'approcher une musique africaine donnée : celle de l'ethnomusicologue, qui analyse froidement et décrit les divers aspects de la forme musicale selon les principes scientifiques de l'ethnomusicologie ; celle de l'amateur étranger à la culture musicale envisagée, qui perçoit à sa manière (forcément artificielle), en recherchant l'émotion esthétique ; celle enfin du musicien africain ou de n'importe quel membre de la communauté africaine considérée, qui participe à un titre ou à un autre à la musique en question. Pratiquement, un seul de ces trois angles d'approche, nécessairement incompatibles, peut être utilisé selon la situation de chaque individu ; ce qui signifie que, pour ceux qui n'appartiennent pas à la communauté africaine au sein de laquelle la musique se vit, seules les deux premières façons sont possibles.

La situation de l'ethnomusicologue

L'ethnomusicologue est par définition étranger, par sa démarche analytique et scientifique, à l'univers des musiques africaines. Même dans le meilleur des cas, lorsqu'il est originaire de la société africaine dont il étudie la musique ou plus souvent lorsqu'il a vécu un certain temps avec les gens qui pratiquent la musique en question, il reste, par ses méthodes d'analyse, ses critères de référence, sa connaissance ethnomusicologique et sa prise de conscience, un étranger vis-à-vis de la musique telle qu'elle vit, telle qu'elle est animée et ressentie par tous ceux qui y participent. Il est condamné à une certaine forme d'ignorance et d'isolement qui lui permet précisément de conquérir une autre forme de savoir, dont l'intérêt scientifique est primordial dans la perspective d'une meilleure connaissance des phénomènes musicaux. C'est ainsi[...]

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Écrit par

  • : musicologue, fondateur de la collection Ocora, expert international en matière d'ethnomusicologie

Classification

Pour citer cet article

Charles DUVELLE. MUSICALES (TRADITIONS) - Musique d'Afrique noire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    Les rapports entre la métallurgie et la musique sont mentionnés déjà par Strabon, par Solin et par Plutarque. Selon Aristide Quintilien, la musique désigne, en général, « ce qui régit et coordonne tout ce que la nature enferme dans son sein ». Ptolémée, dans ses Harmoniques, assimile les...
  • BACHIR MOUNIR (1930-1997)

    • Écrit par Éliane AZOULAY
    • 515 mots

    Irakien né à Mossoul d'une mère kurde et d'un père syriaque orthodoxe, Mounir (ou Munir) Bachir a été surnommé l'« émir du oud ». Au côté de son père, Abdel-Aziz Bachir, luthiste et chanteur réputé, il se familiarise avec les diverses facettes de la tradition irakienne, où se mêlent influences syriaques,...

  • BEBEY FRANCIS (1929-2001)

    • Écrit par Universalis
    • 242 mots

    Auteur-compositeur, écrivain, poète, chanteur et guitariste camerounais. En 1950, il vient étudier à Paris et joue avec son compatriote Manu Dibango. Il étudie ensuite le journalisme aux États-Unis puis regagne la France, où il entre comme reporter à la Sorafom (Société de radiodiffusion de la France...

  • BERIO LUCIANO (1925-2003)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 4 826 mots
    ...extra-européennes. Il s'est en fait intéressé aux expressions et aux techniques populaires qui lui ont permis d'embrasser des mondes apparemment hétérogènes : les folklores sicilien et serbo-croate, les chants arméniens, les polyphonies pygmées... À l'instar de Bartók ou de Stravinski, Berio a réussi à intégrer...
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Voir aussi