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MOT D'ESPRIT, littérature

Il est plus difficile de définir le mot d'esprit que d'en recenser les différentes techniques de production, ou d'en trouver des synonymes plus ou moins parfaits. Il est encore assez difficile de les juger du point de vue esthétique, mais il est très facile d'en donner des exemples. À la place d'une définition classique, les auteurs proposent le plus souvent la mise en rapport avec d'autres phénomènes qui lui sont apparentés ; ainsi Addison : « La Vérité fut la fondatrice de la famille et engendra le Bon Sens. Le Bon Sens engendra l'Esprit, qui épousa une dame d'une branche collatérale, nommée Gaîté, dont il eut un fils : l'Humour. »

L'esprit débute au xviie siècle en Italie sous le nom de concetto, et en Espagne avec le mouvement littéraire appelé conceptisme. L'un et l'autre recherchent davantage l'effet de surprise que l'effet comique : ils ne font pas rire, ils font plutôt sourire. Ainsi, le Greco avait peint le portrait d'un moine, qui, en guise de remerciement, écrivit un sonnet où il déclarait si grande la ressemblance entre lui et le tableau, qu'il ne savait plus lequel des deux était l'original.

Le trait d'esprit du baroque se révolte contre le bon sens, tandis que le classicisme français de la même époque s'en accommode très bien. Ici, l'esprit vient aussi à la mode, nombre de recueils de maximes en témoignent : « Pour badiner avec grâce, et rencontrer heureusement sur les plus petits sujets, il faut trop de manières, trop de politesse, et même trop de fécondité : c'est créer que railler ainsi, et faire quelque chose de rien » (La Bruyère). Traits, pointes, saillies et bons mots agrémentent la conversation des salons, un peu trop peut-être pour le goût de La Fontaine qui met en scène, dans la fable Le Rieur et les Poissons, l'action de faire de l'esprit aussi bien que la réaction du public. Parallèlement à la vogue des mots d'esprit, leur critique se déploie donc aussi, mais elle devient beaucoup plus virulente à partir du xviiie siècle. Est-ce une véritable recherche de profondeur ou bien une contre-attaque de celui qui se sent visé, voire agressé ? La simulation et la dissimulation, techniques de base de la production du mot d'esprit, analysées déjà par Quintilien, sont en apparence contraires à la recherche de la vérité. Vauvenargues dit, en parlant des saillies : « Un agrément si faux et si superficiel est un art ennemi du cœur et de l'esprit. » Il fallut attendre l'avènement de la psychanalyse pour comprendre le rôle régulateur du mot d'esprit dans l'économie de la vie psychique. Il est en rapport étroit avec l'humour et le comique : « Une pensée préconsciente est pour un moment abandonnée à l'élaboration inconsciente ; l'esprit serait ainsi la contribution que l'inconscient apporte au comique. Semblablement, l'humour serait la contribution apportée au comique par l'intermédiaire du surmoi » (Freud).

— Véronique KLAUBER

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Pour citer cet article

Véronique KLAUBER. MOT D'ESPRIT, littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • WIT, littérature

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 298 mots

    Les théoriciens de l'humour ne pardonneront jamais au wit sa brillance froide, son air noble et insolent, sa façon de chatouiller l'esprit en mettant hors de combat les émotions. Toutefois, le sourire léger qui accompagne la découverte d'une nouvelle relation entre deux idées (...

Voir aussi