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MISKAWAYH (933-1030)

Le nom complet de Abū ‘Alī Aḥmad ibn Muḥammad ibn Ya‘qūb Miskawayh suggère une ascendance musulmane allant au moins jusqu'à son grand-père. Miskawayh est, en effet, un Iranien né à Rayy (ancienne capitale à proximité de l'actuelle Téhéran) et mort à Ispahan. Nous savons qu'à Rayy il y avait encore beaucoup de zoroastriens. Quoi qu'il en soit du problème de sa conversion à l'islam, Miskawayh a composé son œuvre essentielle en langue arabe, unique langue de culture au xe siècle.

Il a eu une carrière relativement brillante au service des grands vizirs et des princes būyides entre 951 et 1013. Il a été le compagnon de Muhallabī (951-963), le vizir de Mu‘izz al-Dawla à Bagdad ; puis il obtint le poste de bibliothécaire chez Ibn al‘Amīd (963-970), le vizir de Rukn al-Dawla à Rayy. Il conserva la même fonction jusqu'en 976 chez Abū al-Fatḥ ibn al‘Amīd, fils et successeur du précédent. Il revint à Bagdad pour servir le plus grand prince de la dynastie būyide ‘Adud al-Dawla (976-983). Il resta attaché aux successeurs de celui-ci (Ṣamṣām et Bahā‘ al-Dawla) ; mais, avec l'âge, il se tourna de plus en plus vers les études philosophiques. Il cessa, semble-t-il, de suivre de près les affaires politiques puisque son Histoire de la dynastie būyide (Tajārib al-Umam) s'arrête brusquement en 980.

L'originalité de Miskawayh tient à ce qu'il pratiqua conjointement deux disciplines généralement séparées chez les intellectuels arabo-musulmans : la philosophie et l'histoire. Il a été tiré de l'oubli par deux orientalistes anglais, H. F. Amedroz et E. D. S. Margoliouth, qui ont édité et traduit la partie la plus vivante des Tajārib al-Umam sous le titre The Eclipse of the Abbassid Caliphate (Oxford-Londres, 1920-1921, 7 vol.). En 1946, un professeur égyptien attirait l'attention sur l'importance de Miskawayh en tant que moraliste (A. ‘Izzat : « Ibn » Miskawayh, falsafatuh al-akhlāqiyya wa masādiruhā).

M. Arkoun a tenté de répondre à ces deux questions dans un ouvrage intitulé : Contribution à l'étude de l'humanisme arabe au IVe/Xe siècle : Miskawayh philosophe et historien, Paris, 1970.

Toute l'œuvre de Miskawayh est commandée par une attitude philosophique qui accueillait, dans une synthèse typique, l'aristotélisme, le platonisme et le néo-platonisme. Elle s'articule autour d'un ouvrage central : le Tahdhīb alakhlāq (édité par C. Zurayq, Beyrouth, 1967 ; trad. française M. Arkoun, Traité d'éthique, Damas, 1969). Ce Traité est, en effet, préparé par de courts exposés théoriques et illustré par une ample anthologie sur la Sagesse éternelle et un regard concret sur la pratique politique sous les Būyides (Tajārib).

Dépourvu de toute technicité rebutante, le Traité d'éthique a le mérite de recueillir sous une forme vivante, accessible au public cultivé (udabā‘), trois grands courants de pensée et de pratique éthiques : le vieux courant iranien des « miroirs de princes » ; les vertus arabes profondément ancrées dans les mémoires grâce à la poésie, et dans les conduites grâce au jeu des lois implacables du désert (générosité-solidarité, courage, sens de l'honneur) ; les conceptions grecques alliant les analyses de l'Éthique à Nicomaque d'Aristote, la psychologie de Platon réutilisée par Galien et la métaphysique néo-platonicienne.

En tant qu'animateur de la culture arabo-islamique au xe siècle, Miskawayh donne la mesure de sa largeur de vues dans une correspondance scientifique échangée avec un célèbre contemporain, Tawḥīdī : il s'agit des Hawāmil wal-shawāmil, un précieux document sur la mentalité et les horizons scientifiques de toute une époque.

Signalons, enfin, qu'il n'est pas possible de situer Ibn Khaldūn historien sans tenir compte de l'apport[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Mohammed ARKOUN. MISKAWAYH (933-1030) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARKOUN MOHAMMED (1928-2010)

    • Écrit par Christian HERMANSEN
    • 1 028 mots

    Philosophe et historien de l'islam, Mohammed Arkoun fut un éminent représentant d'une islamologie soucieuse de développer une lecture critique et humaniste de la civilisation musulmane. Prônant une approche rénovée de l'islam, il a exercé une influence intellectuelle considérable en France, en Europe...

  • ISLAM (La civilisation islamique) - La philosophie

    • Écrit par Christian JAMBET, Jean JOLIVET
    • 8 975 mots
    ...que deux, et seulement sous ce point de vue dont ils sont sans doute les représentants les plus significatifs. Le premier est Abū ‘Alī Aḥmad b. Muḥammad Miskawayh (mort en 421/1030), pour un livre intitulé La Sagesse éternelle (Al-ḥikmat al-ẖālida) et qu'il donne comme la reprise d'un ancien ouvrage...

Voir aussi