TREMBLAY MICHEL (1942- )
La vie de Michel Tremblay, né le 25 juin 1942 dans le quartier populaire du Plateau-Mont-Royal à Montréal, s’accorde avec le titre de son récit autobiographique Douze coups de théâtre(1992). Avant de devenir un écrivain multi-primé, il est d’abord le dernier-né de Rhéauna, la mère dont la présence hantera ses fictions. Après des études secondaires à l’école Saint-Stanislas jusqu’en 1959, il s’engage dans une formation de linotypiste. Cette époque est aussi marquée par la découverte de son homosexualité. En 1963, il sombre dans le marasme d’une double perte : celle de sa mère et celle d’un idéal professionnel que l’imprimerie ne comble pas.
Heureusement, son moi profond possède des ressources et son imagination est sans limites. Premier coup de théâtre : avec Le Train(1964),il remporte un concours de pièces radiophoniques. Dans la foulée, il écrit un recueil de nouvelles fantastiques, Contes pour buveurs attardés (1966). Refusé pendant trois ans par les théâtres montréalais, Les Belles-Sœurs (1968) est enfin accepté par un théâtre subventionné, Le Rideau Vert. L’intrigue est la suivante : Germaine Lauzon vient de gagner un million de timbres-primes à coller sur des livrets pour bénéficier des cadeaux. À cette fin, elle se fait aider de quinze femmes à la langue bien pendue. La « querelle » qui suit la création de la pièce fait date. Ses censeurs reprochent au dramaturge sa vulgarité et surtout le choix du « joual », parler vernaculaire de l’est montréalais, tandis que ses admirateurs louent l’originalité d’une pièce tout à la fois truculente et féroce.
Un théâtre de la parole
De 1968 à 1977, Tremblay sera prioritairement un homme de théâtre. Les onze pièces rassemblées dans le cycle des Belles-Sœurs peuvent être divisées en deux catégories : celles de « la cuisine » et celles de « la Main », rue principale de Montréal où se retrouvent les déviants de la société catholique bien pensante. La pièce fondatriceconstitue le modèle de la première, confrontant des femmes au foyer, sans instruction et sous la coupe de l’obscurantisme religieux. Les pièces de « la Main » ont un caractère plus ambivalent, faisant place en apparence à des femmes plus libres, quoiqu’asservies par de redoutables malfrats. À toi pour toujours, ta Marie-Lou (1971) relie ces deux espaces scéniques en mettant en scène une famille traversée par des oppositions psychologiques frontales : Marie-Lou, aigrie à souhait, mariée à Léopold, aussi tendre que grossier, et leurs deux filles, Manon la bigote et Carmen, danseuse en boîte de nuit. Filant le destin de ses personnages de pièce en pièce, le dramaturge brosse dans Sainte-Carmen de la Main (1976) un tableau plus noir de « la Main ». Si Tremblay adopte des titres manichéens (Damnée Manon, sacrée Sandra, 1977), il évite toute simplification des caractères. Manon, la bigote, n’en est pas moins habitée par l’érotisme alors que Sandra s’adonne à une forme de religion du sexe. La pièce se clôt avec un procédé dramaturgique innovant quand les personnages avouent aux spectateurs qu’ils ont été inventés « par Michel ». En rompant brutalement l’illusion théâtrale, Tremblay semble en finir définitivement avec le théâtre. Il n’y revient, comme dans Les Anciennes Odeurs (1981), que pour évoquer son homosexualité au travers du personnage de Jean-Marc, par ailleurs héros gay d’un diptyque autofictionnel formé par Le Cœur découvert (1986) et Le Cœur éclaté (1993).
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Écrit par
- Antony SORON : maître de conférences, habilité à diriger des recherches, formateur agrégé de lettres à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation, Sorbonne université
Classification
Média
Autres références
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FRANCOPHONES LITTÉRATURES
- Écrit par Jean-Marc MOURA
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Au Québec, la littérature amérindienne commence à émerger (An Antane Kapesh) tandis queMichel Tremblay publie les Chroniques du Plateau-Mont-Royal à partir de 1978. Les écritures féminines, cultivées dès les années 1970, ont déconstruit les mythes de la féminité pour créer un espace langagier... -
QUÉBEC - Littérature
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Jean-Louis JOUBERT et Antony SORON
- 11 164 mots
- 9 médias
En 1965,Michel Tremblay se voit refuser sa pièce Les Belles-Sœurs par le comité de lecture du festival d'art dramatique canadien. Manifestement, le joual qu'il fait parler à ses personnages est la cause de cette éviction. C'est en 1968 seulement que la pièce peut être présentée au public. Elle rencontre...