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NÉDONCELLE MAURICE (1905-1976)

Universitaire et prêtre français, philosophe et historien de la pensée religieuse, Nédoncelle a ouvert une voie originale entre l'idéalisme universitaire français des années vingt et un personnalisme philosophiquement fondé. Il part, en 1926, d'une « Esquisse d'un volontarisme idéaliste » (publiée en 1970 dans les Explorations personnalistes) où se manifeste, dans l'esprit de l'époque, la fascination du moi par le Moi : la pensée du plus rigoureux des personnalistes chrétiens prend sa source dans l'identité absolue, passionnément contemplée, du Moi universel : « Par le fait même que je suis, je ne connais, en effet, que moi, je ne veux que moi. En un sens fondamental [...] il est incontestable et définitif que, par ma qualité de personne, je suis condamné à être réellement seul au monde, et que je voudrai toujours devenir seul, en quelque façon que je le veuille. » N'est-ce point risquer cette sorte d'encerclement que s'acharnent à dénoncer ou à surmonter, le problème étant ainsi posé, critiques et sectateurs du cogito cartésien ? Dès ce temps, Nédoncelle sait qu'il lui faut exorciser la tentation : « Maintenant, puis-je sortir, et par quel moyen, de ce moi [...] ; comment ma pensée-action me révélera-t-elle les existences réelles autres que la mienne ? » Cette sortie de soi ne saurait se faire que par une modification radicale du problème. Radicale, mais inévitablement progressive. Si Nédoncelle entrevoit, en effet, dès ce stade de ses recherches, un certain rôle premier de l'amour — cantonné par une malheureuse évolution historique dans une subjectivité exclusivement individuelle —, il en est encore à l'évoquer en termes d'exode, de sortie de soi coûteuse, voire ascétique. Philosophiquement, les perspectives idéalistes ne l'autorisent encore à penser l'existence de l'autre que selon un raisonnement analogique, itinéraire qui sera vigoureusement contesté plus tard. Bref, si la sympathie pour le voisin incite le moi monadique à se percer de portes et de fenêtres, il reste que l'enclos résiste, et que chaque ouverture coûte un sacrifice plus ou moins dispendieux, dès lors qu'il est de l'essence du moi-monade d'être une monade. Le caractère universel de l'amour, qui constituera le fond du personnalisme de Nédoncelle, n'est encore que pressenti dans cet essai idéaliste.

Avec la thèse de 1942, La Réciprocité des consciences, et les compléments qui en manifestent les conséquences dans toutes les directions (métaphysique, éthique, esthétique, histoire...), l'intersubjectivité apparaît désormais comme donnée première. Sans doute faut-il voir la cause de cette mutation dans un christianisme vécu et pensé dans une ferveur inventive de style augustinien, ainsi qu'au contact de témoins exceptionnels, tel Newman, dont Nédoncelle est l'un des meilleurs spécialistes. Si l'amour est ainsi premier, comme le veut l'Évangile, alors il faut rompre le cercle du moi avec le Moi, partir d'une continuelle conspiration des consciences, phénoménologiquement élucidée, pour aboutir au moi. La perspective est renouvelée : pas de Je sans Nous, pas de Nous sans un Dieu, irréductible, certes, aux autres termes de la communion, mais les suscitant dans leur consistance dynamique. Et, s'il y a un monde enfin, c'est encore dans cette perspective de communauté humano-divine qu'il prend consistance et signification.

Ainsi, c'est le rapport d'amour entre les consciences qui dévoile la nature de la personne, naguère perçue comme individualité granulaire, appréhendée maintenant d'emblée comme essentiellement collégiale. Tout amour implique, en effet, fût-ce de façon embryonnaire, une intention de promotion mutuelle, posant autrui comme une perspective universelle. Le moi ne pouvant être conçu sans un[...]

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Classification

Pour citer cet article

Lucien JERPHAGNON. NÉDONCELLE MAURICE (1905-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • INTERSUBJECTIVITÉ

    • Écrit par Henry DUMÉRY
    • 435 mots

    Terme qui s'est répandu à la suite des recherches de Husserl sur la constitution de l'alter ego et des recherches de Heidegger sur la coexistence, sur l'être-avec-autrui. Les sociologues, notamment Gurvitch, ont secondé les philosophes en étudiant les valeurs de communauté, celles...

  • PERSONNALISME

    • Écrit par Lucien JERPHAGNON
    • 2 387 mots
    • 2 médias
    Formé par l'idéalisme des années vingt, Maurice Nédoncelle (1905-1976) devait trouver, à la faveur d'un méditation personnelle du christianisme, sous l'influence, notamment de Newman, une voie originale : nul ne poussa plus loin ni plus techniquement l'investigation philosophique à partir des...

Voir aussi