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MARCEAU MARCEL (1923-2007)

Les Japonais voyaient en lui un « trésor national ». Les Américains l'appelaient « le magicien du geste et du silence ». Lui-même se flattait d'être le Français le plus célèbre à l'étranger, avec le commandant Cousteau. N'a-t-il pas été applaudi, pendant plus d'un demi-siècle, sur toutes les scènes et tous les continents dans les habits de Bip, son double ?

Visage blanc, sourcils en accent circonflexe, lèvres pincées et petites larmes noires sous les yeux, il surgissait, vêtu de son éternel gilet ajusté sur un maillot rayé, pantalon blanc et ballerines aux pieds, un haut de forme défraîchi sur la tête, piqué d'une frêle petite fleur rouge tremblante. Son langage était universel. C'était celui du corps et du silence qui n'est autre, disait-il, que le « cri du cœur ».

Une longue tradition

Marcel Marceau - crédits : McKeown/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcel Marceau

Maître incontesté du mime ou plutôt du mimodrame, Marcel Marceau a redonné ses lettres de noblesse à un art qui semblait figé dans le souvenir du boulevard du crime. Se rattachant directement à Deburau, et avant lui au Pierrot des Italiens et de Watteau, il avait su lui insuffler une poétique et une énergie nouvelles, marqué par ses « maîtres » du xxe siècle : Keaton et plus encore Chaplin qu'il découvrit, à l'âge de dix ans, dans La Ruée vers l'or.

Cherchant à créer par les gestes et par l'image ce qui ne peut se traduire par le verbe, il s'appliquait à restituer la vérité des hommes et de leur condition, un peu à la manière des impressionnistes bien plus proches, expliquait-il, de la réalité qu'ils paraissaient dissoudre sur leurs toiles que les peintres académiques prétendant copier cette même réalité. Mais il ne se contentait pas de donner à « voir » un vent imaginaire soufflant sur la scène ou l'escalier tout aussi fictif dont il grimpait les marches, de faire surgir du néant toute une galerie de personnages (garçon de café, dompteur de lion, grand-mère au tricot...) pris dans le quotidien de saynètes burlesques, tragiques ou sentimentales. Il leur donnait son âme. Fondé sur une technique sans faille, associant à la maîtrise du corps rythme, musicalité, réflexion, émotion, chacun de ses mouvements était une tentative pour suspendre la vie. Son art était l'aboutissement d'un long travail qui l'amenait à puiser au plus intime de lui-même et de sa mémoire.

Celle d'un enfant juif né le 22 mars 1923 à Strasbourg, dans une famille modeste d'origine polonaise. Son père, Charles Mengel, boucher colombophile et militant C.G.T., lui transmet les valeurs d'une gauche en attente du Front populaire en France, prompte à s'enflammer pour la République espagnole.

En 1940, l'invasion allemande contraint les Mengel à l'exode. Ils se réfugient à Limoges. Marcel s'inscrit aux Arts décoratifs. À l'instar de son frère, Simon, membre des F.T.P., il entre dans la Résistance en 1943 et change d'identité. Son nouveau nom est « Marceau », en souvenir du vers de Victor Hugo « Hoche sur l'Adige, Marceau sur le Rhin ». « J'étais né dans le Bas-Rhin et je voulais bouter les Allemands hors de France », confiera-t-il. Désormais, il ne s'appellera plus qu'ainsi.

Son père est arrêté en 1944. Déporté à Auschwitz, il n'en reviendra pas. Marcel Marceau, gagne Paris et devient moniteur d'art dramatique dans une institution du service social de Vichy, dont la directrice cache des enfants juifs. Dans le même temps, il s'inscrit au cours de Charles Dullin où enseigne Étienne Decroux, le grand mime. Maître de Jean-Louis Barrault, ce grammairien du corps est l'inventeur de la « statuaire mobile » et de la « marche sur place », mille fois reprise depuis lors. C'est là que Marcel Marceau se forme et que, pour lui, tout se décide.

Au lendemain de la libération de Paris,[...]

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

Classification

Pour citer cet article

Didier MÉREUZE. MARCEAU MARCEL (1923-2007) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Marcel Marceau - crédits : McKeown/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcel Marceau

Autres références

  • MIME ET PANTOMIME

    • Écrit par Tristan RÉMY
    • 2 882 mots
    • 4 médias
    ...du corps, il suggère la machine, la marche, une course à bicyclette ou les sentiments collectifs de citadins animés par la joie ou hantés par la peur. Marcel Marceau, le plus doué de ses élèves, se libère de la servitude trop apparente du dynamisme contemporain. Il crée le personnage de Bip, un frère...

Voir aussi