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FALLA MANUEL DE (1876-1946)

Une vie anxieuse, une œuvre laborieuse

Un Andalou à Paris

Au cours de ses sept ans de séjour dans la capitale française (1907-1914), Falla assiste à l'affirmation progressive de l'esthétique impressionniste : Debussy aborde ses conceptions les plus secrètes, Ravel écrit quelques-unes de ses œuvres principales.

Après une brève tournée comme pianiste avec une troupe de ballet de second ordre en Belgique et en Suisse, Falla entre en contact personnel, durant l'automne 1907, avec les compositeurs dont la musique a confirmé ses recherches : Debussy, Ravel, Dukas. Ce dernier lui donne des conseils d'orchestration et l'autorise à lui porter ses travaux. En même temps qu'il agrandit le cercle de ses relations, il approfondit la connaissance de la musique française et se lie avec Albéniz (professeur à la Schola cantorum), le pianiste Ricardo Viñés et d'autres musiciens comme Florent Schmitt, Gabriel Fauré et Igor Stravinski, qui deviendront ses amis. Amitié sans intimité, cependant. C'est un personnage timide, mystérieux, toujours habillé de noir, qui ne se livre pas, malgré les soucis d'argent parfois cruellement pressants qui l'acculent à toutes sortes d'expédients. Il porte paisiblement et obstinément sa Vie brève sous le bras, à la recherche d'un chef d'orchestre. Son regard vif et ses traits dénoncent son origine méridionale et son ardeur. Mais il s'exerce déjà à l'ascétisme.

En 1908, ses Pièces espagnoles (Cuatro Piezas españolas) sont imprimées par un éditeur qui, exceptionnellement, accepte, sous la pression conjuguée de Debussy, Ravel et Dukas, de déroger à sa norme de n'éditer que de la musique française. Fugace moment de joie dans une vie terne, et qui ne se répétera qu'une fois, en 1910, avec l'édition des Trois Mélodies sur des poèmes de Théophile Gautier. En 1912, une maladie vénérienne probablement mal soignée le retient à l'hôpital pendant dix mois ; il en sort encore plus déterminé peut-être à l'abstinence et certainement plus attaché que jamais aux commandements de l'Église.

Le retour

Le Manuel de Falla qui rentre en Espagne en 1914, chassé par la guerre, peut se sentir satisfait : il a signé un contrat avec l'éditeur français Max Eschig, et revient avec le manuscrit quasi définitif des Sept Chansons espagnoles, petits joyaux ciselés autour de brefs textes populaires, ainsi que l'ébauche des Nuits dans les jardins d'Espagne, heureuse alliance du raffinement et de l'évocation folklorique. Mais il est définitivement marqué par une anxiété qui ne le quittera plus. Les séquelles de la maladie, peut-être inconsciemment souhaitées sinon cultivées par lui, le harcèleront jusqu'à son dernier jour et son ascétisme se confondra dès lors avec la crainte permanente de la colère divine et un ressentiment plus ou moins manifeste envers le sexe. Méditerranéen, fils du soleil, il fera cependant de la religion catholique, héritée de sa famille, l'agent d'un conflit douloureux et exténuant qu'il voudrait purificateur.

D'abord à Madrid, puis, en 1919, à Grenade, dans le silence d'une maisonnette près de l'Alhambra, il mènera pendant vingt ans près de sa sœur María del Carmen une vie de réclusion coupée de rares voyages à Londres, à Paris et en Italie. Personne ne le verra jamais avec une autre femme.

Il achève les Nuits, créées à Barcelone en 1915, peu avant la première version de L'Amour sorcier, la même année. Suit Le Tricorne (1917), qui, en 1919, obtient un brillant succès à Londres.

Durant ces vingt années de Grenade où la maladie trouble souvent son recueillement mystique, il écrit ses meilleures œuvres : la Fantasia Baetica pour piano (1919), Pour le tombeau de Claude Debussy (1920), en hommage au musicien mort en 1918, Les Tréteaux de maître Pierre, commandés[...]

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Pour citer cet article

Luis CAMPODÓNICO. FALLA MANUEL DE (1876-1946) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALARCÓN PEDRO ANTONIO DE (1833-1891)

    • Écrit par Sylvie LÉGER
    • 526 mots

    L'époque d'Alarcón est celle de la Restauration espagnole. Sa technique et son esprit constituent une transition entre la production romantique et les représentants les plus typiques du réalisme, tels Pereda et Pérez Galdos. Défenseur des idées libérales dans sa jeunesse, il se convertit au catholicisme...

  • CHUECA FEDERICO (1848-1908)

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 232 mots

    Compositeur, pianiste et chef d'orchestre espagnol, fort populaire par les nombreuses zarzuelas du género chico (zarzuela brève, par opposition à la zarzuela grande) dont il est le créateur. Chueca vécut à Madrid, tenant le piano dans les cafés et dirigeant un orchestre de zarzuelas....

  • ESPAGNE (Arts et culture) - La musique

    • Écrit par Luis CAMPODÓNICO, Pierre-Paul LACAS
    • 5 573 mots
    • 4 médias
    Dans ses premières œuvres (Sérénade andalouse, pour violon et piano, vers 1899 ; plusieurs zarzuelas ; quelques mélodies), Manuel de Falla (1876-1946) explore, autour d'un impressionnisme musical qu'il développera par la suite, ce qu'Albéniz a conquis. Impressionnisme, dénomination très discutée...
  • HALFFTER ERNESTO (1905-1989)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 681 mots

    Personnage essentiel de la vie musicale espagnole, ami et disciple de Manuel de Falla, chef d'orchestre, compositeur, pédagogue, Ernesto Halffter appartenait à une importante famille de compositeurs : son frère Rodolfo (1900- 1987) s'était fixé au Mexique en 1939, où il avait largement contribué...

Voir aussi