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MANSE

L'institution du manse, qui connut son plein essor à l'époque carolingienne, était destinée à assurer la mise en valeur d'un domaine dans un monde qui ignorait presque totalement le salariat et dans lequel l'esclavage de type antique était en régression. Une partie d'un domaine était fractionnée en manses, unités de culture (maison, jardin, vigne, terres arables et usage des communaux) confiées à perpétuité à des familles paysannes et en principe suffisamment vastes pour assurer leur subsistance ; en échange, ces paysans devaient, par des corvées, cultiver le lot de terre que se réservait le propriétaire. La superficie de ces manses, dont la moyenne s'établissait entre dix et vingt hectares, variait suivant les domaines et suivant la condition juridique de leurs tenanciers : les manses « ingenuiles », tenus par des paysans libres, sont toujours plus grands et doivent des corvées saisonnières ; les manses « serviles », moins nombreux et plus petits, sont attribués à des serfs et entraînent des corvées beaucoup plus lourdes, qui peuvent prendre jusqu'à la moitié du temps du tenancier. Quant aux manses « lidiles », de surface intermédiaire, on suppose qu'ils étaient confiés à des affranchis. Les charges du manse consistaient donc en l'entretien de la « réserve » du maître, soit collectivement sous la direction d'un régisseur, soit par l'attribution de parcelles dont tous les revenus allaient au seigneur. De faibles redevances en espèces ou en nature pouvaient s'ajouter à ces prestations et parfois, en dehors du Bassin parisien notamment, constituaient l'essentiel des charges pour les manses les plus éloignés de la « réserve ». Le manse apparaît donc non seulement comme une unité de culture, mais aussi comme une unité de perception et de réquisition.

Ce double aspect de l'institution se détériora dès le ixe siècle et amena la disparition du manse dans le courant du xiie siècle : d'abord le jeu des partages et des successions avait entraîné un surpeuplement et un morcellement des manses, dont les charges étaient alors réparties entre plusieurs familles ; les mariages entre tenanciers de conditions diverses avaient provoqué une grande disparité entre la condition juridique personnelle du tenancier et la nature du manse qu'il tenait. De plus en plus, les prestations dues à un propriétaire devenu seigneur banal pesèrent davantage sur l'homme que sur la terre qu'il tenait ; enfin, dans un monde en expansion démographique et économique, il fut possible de trouver de la main-d'œuvre salariée et nécessaire d'accumuler du numéraire. Le travail forcé sur les terres de la réserve, qui avait toujours été d'un faible rendement, fut alors jugé sans intérêt et plus avantageusement remplacé par une redevance personnelle. C'est de manse que dérivent les mots « masure », « meix » et « mas ».

— Françoise MOYEN

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Pour citer cet article

Françoise MOYEN. MANSE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CAROLINGIENS

    • Écrit par Robert FOLZ, Carol HEITZ
    • 12 125 mots
    • 7 médias
    ...seigneuries laïques et ecclésiastiques) de structure bipartie, comprenant la « réserve » seigneuriale (indominicat) et les tenures communément appelées manses, dont les tenanciers héréditaires devaient au maître des prestations et des services en travail sur les terres seigneuriales, pour suppléer l'insuffisance...
  • CORVÉES

    • Écrit par Claude GAUVARD
    • 990 mots

    Prestations en travail exigées de certains hommes, libres ou non, en échange d'une protection ou de terres, les corvées peuvent être de nature publique ou être des services domaniaux. Les corvées de nature publique sont exigées par l'État de tous les hommes libres pour le bien de tous. Il s'agit...

  • DOMAINE SEIGNEURIAL

    • Écrit par Françoise MOYEN
    • 664 mots

    C'est à l'époque carolingienne que l'on voit se dessiner l'organisation matérielle du domaine, telle qu'elle subsiste jusqu'au xiiie siècle. L'ensemble des terres d'un grand propriétaire était partagé en « manses » ou unités de culture ; l'un d'eux, généralement...

  • VILLA, histoire

    • Écrit par André CHASTEL, Universalis, Robert FOLZ, Gilbert-Charles PICARD
    • 2 463 mots
    • 8 médias
    ...comprend des étendues importantes de terres arables, des prés, des vignes, des bois et des friches. Au domaine sont rattachées de petites exploitations, les manses, tenues par des esclaves (dont la condition évolue lentement vers le servage) et des colons qui, bien que juridiquement libres, sont étroitement...

Voir aussi