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CORVÉES

Prestations en travail exigées de certains hommes, libres ou non, en échange d'une protection ou de terres, les corvées peuvent être de nature publique ou être des services domaniaux. Les corvées de nature publique sont exigées par l'État de tous les hommes libres pour le bien de tous. Il s'agit d'une sorte d'impôt en nature. Dès le ~ IIIe millénaire, l'État égyptien entretient les digues et les canaux à l'aide de prestations de cette sorte. Mais seuls les petits fermiers les accomplissent, les grands propriétaires en étant exemptés. Dans l'Empire romain, des corvées assurent le fonctionnement de la poste et des charrois. Elles se perpétuent après les invasions barbares sous les Mérovingiens et les Carolingiens. Les hommes libres construisent, entretiennent et gardent ainsi les routes et les ponts. Ces services sont totalement différents des services de corps que les esclaves, les affranchis et même les colons doivent à leurs patrons (operae), en raison de leur statut personnel. Quant à ces services de corps, même dans les grandes propriétés latifundiaires de l'Italie antique, ils ne forment pas de lien obligé entre la réserve du maître et les terres concédées. C'est peu à peu, en même temps que le caractère public des corvées s'estompe pour disparaître au xie siècle, que les corvées personnelles sont devenues réelles, la tenure devenant la base d'imposition. Alors se développent les corvées domaniales de nature radicalement différente. Elles sont au cœur de l'économie seigneuriale puisqu'elles assurent l'association entre la réserve du maître et les tenures paysannes, que celles-ci soient concédées à des libres ou à des non-libres. La tenure est, en effet, cédée en échange de travaux effectués sur la réserve, assurant ainsi la mise en valeur de cette dernière. Le seigneur s'approprie une partie du travail paysan, à côté d'ailleurs de redevances en nature et de taxes en argent. Les origines de ce mode de production sont obscures. Le plus ancien témoignage — des inscriptions du iie siècle dans la province romaine d'Afrique — semble isolé. Le système a plutôt dû prendre son véritable départ sous le Bas-Empire. Il s'impose ensuite rapidement. Étant donné la carence en main-d'œuvre, l'aristocratie y trouve son intérêt. Quant aux royautés barbares, impuissantes à faire respecter leurs ordres, elles préfèrent désigner les tenures comme base d'imposition des services. Les travaux requis varient selon la situation juridique des tenures ou manses. Dans une villa classique du ixe siècle, le maître exige des manses ingénuiles deux types de travaux : au temps et à la tâche. Un nombre donné de jours par semaine, chaque manse fournit un travailleur qui exécute avec son outillage et son attelage des travaux sur la réserve en fonction du calendrier agricole. Pendant un temps donné, en général une quinzaine de jours par an, un travailleur du manse est employé de façon continue à des tâches diverses. Chaque manse doit aussi assurer entièrement la mise en valeur d'une portion de la réserve — le lot-corvée ou ansange — depuis le labour jusqu'à l'engrangement. Le manse doit enfin des corvées diverses de charroi et de clôture. Les manses serviles sont encore plus lourdement imposés. Ils doivent surtout des services de bras, car à l'origine ils ne possèdent ni attelage ni animaux de trait. Leurs détenteurs, s'ils sont esclaves, doivent en plus des corvées personnelles. Tous ces services, joints aux redevances, pèsent très lourd. Au début du xe siècle, ils enlèvent au total un exploitant à chaque manse pendant une durée qui peut aller de un sixième à la moitié de l'année. La lourdeur des corvées varie selon les régions. Là où subsiste l'alleu paysan, elles n'ont pas de raison d'être. Cette disparité[...]

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Pour citer cet article

Claude GAUVARD. CORVÉES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOMAINE SEIGNEURIAL

    • Écrit par Françoise MOYEN
    • 664 mots

    C'est à l'époque carolingienne que l'on voit se dessiner l'organisation matérielle du domaine, telle qu'elle subsiste jusqu'au xiiie siècle. L'ensemble des terres d'un grand propriétaire était partagé en « manses » ou unités de culture ; l'un d'eux, généralement...

  • MANSE

    • Écrit par Françoise MOYEN
    • 514 mots

    L'institution du manse, qui connut son plein essor à l'époque carolingienne, était destinée à assurer la mise en valeur d'un domaine dans un monde qui ignorait presque totalement le salariat et dans lequel l'esclavage de type antique était en régression. Une partie d'un...

  • SERVAGE, Russie

    • Écrit par Jean-Louis VAN REGEMORTER, Wladimir VODOFF
    • 1 248 mots

    Au début de l'histoire russe, la masse rurale, désignée le plus souvent par le substantif smerd, était composée d'hommes libres. Avec l'extension des grandes propriétés appartenant aux princes, aux boyards ou à l'Église, une partie des paysans se trouva placée dans la dépendance économique...

Voir aussi