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ALLISON LUTHER (1939-1997)

Dans ce mouvement perpétuel où s'inscrit, entre langue vernaculaire et culture de masse, une musique noire américaine toujours entre disparition et renaissance, les générations se chevauchent, et coexistent tous les styles. De son appartenance à la troisième génération, prise entre blues d'avant sa naissance et blues de sa maturité, Luther Allison tire une problématique musicale qui l'oblige à une synthèse entre la forme terrienne, ouvrière, prolétaire des origines du blues et ses formes dérivées – rhythm and blues, rock and roll, soul, funk, rock – qui l'influencent en retour.

Il naît à Mayflower (ou à Widener ?), dans l’Arkansas, le 17 avril 1939, avant-dernier garçon d'une famille nombreuse et il monte à Chicago en 1951 avec ses parents âgés, que les aînés prennent en charge. L'un d'eux, Ollie, est guitariste, et le jeune Luther débute à la basse électrique dans son groupe avant de fonder les Four Jivers avec un autre frère, Grant, à la batterie. Il joue du rhythm and blues, mais le blues le tient, et il fait ses classes avec Magic Sam, Buddy Guy et Jimmy Dawkins, admire Otis Rush, son idole, n'ignore ni Muddy Waters ni B.B. King, et rencontre Freddy King avant d'enregistrer en Californie avec Sunnyland Slim, Johnny Shines et Shakey Jake. Il doit à ce dernier de figurer dans une anthologie, Sweet Home Chicago, publiée par Delmark, chez qui il grave son premier disque, Love Me Mama, en 1969. Il est ensuite l'alibi blues de l'usine Motown (trois enregistrements entre 1972 et 1976), tourne beaucoup avec ses Blue Nebulae, triomphe au festival d'Ann Arbor (Michigan) et franchit l'Atlantique en 1976. Il trouve en Europe, en France notamment, où il s'installe en 1983, sinon la gloire, au moins le respect dû à son art et à sa personne.

Affable, d'un contact facile, attentif aux autres (il envisageait au moment de sa mort d'un cancer pulmonaire, le 12 août 1997 à Madison, Wisconsin, de se lancer dans une campagne antitabac), il ne ménage pas sa peine : engagements, disques et tournées se succèdent jusqu'à ce que l'Amérique reconnaisse, un rien trop tard, ce fils prodigue débordant d'énergie. Elle passe dans son chant, tendu, intense, convaincu, à l'émotion retenue, comme dans son jeu de guitare, simple et dépouillé, même quand il étire le son jusqu'à la saturation ou s'évade, servi par les qualités de sa voix, hors des frontières du blues.

Il refusera toujours les limites implicites assignées bien plus aux musiciens noirs qu'aux musiciens blancs, ces derniers demeurant libres de mélanger les genres sans encourir reproches et désaffection, et, parti d'une expression commune à ses compagnons du West Side de Chicago, il gravera, après un Love Me Papa purement blues à Paris, une série de disques controversés, où il mêle à la tradition du blues la ballade soul, la batterie rock et les sons synthétiques. Life Is a Bitch en témoigne mieux que d'autres, et il arrive à un équilibre avec Bad Love, qui le réconcilie avec son public et qui, suivi de Blue Streak et de Reckless, largement distribués outre-Atlantique, lance sa carrière américaine. Il connaît enfin le succès et finit en beauté, non sans réaffirmer en chanson son credo : « Je sais que je suis un bluesman. »

Il faut écouter en priorité Bad Love (1994), synthèse réussie des courants qui traversent sa musique, Love Me Papa (1977), son ode au blues, et Where Have You Been ?, pour le suivre en concert à Montreux de 1976 à 1994 avant de revenir, si on le souhaite, à l'ordre chronologique : Love Me Mama (1969), guitare aiguë, très B.B. King, touchant mais sans originalité ; Bad News Is Coming et Luther's Blues (1972 et 1974), où il s'est affermi, densifié ; Live et Live In Paris, témoignages de son passage à la Chapelle des Lombards en avril 1979[...]

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Francis HOFSTEIN. ALLISON LUTHER (1939-1997) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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