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GOLDMANN LUCIEN (1913-1970)

Surtout connu pour ses travaux de sociologie de la création littéraire, Lucien Goldmann est né à Bucarest en 1913. Il vient à Paris en 1934, après un bref passage à l'université de Vienne, où il suit les cours de Max Adler. Il poursuit alors, conjointement, des études de droit, d'économie politique et de philosophie. Réfugié en Suisse en 1942, il y devient l'assistant de Jean Piaget et participe à ses recherches d'épistémologie génétique. De retour — en 1945 — à Paris, il entre au C.N.R.S. Il meurt en 1970. D'une œuvre aux multiples centres d'intérêt, on retiendra : Sciences humaines et Philosophie (1952), Racine (1956), Le Dieu caché (1956), Recherches dialectiques (1959), Pour une sociologie du roman (1964), Structures mentales et Création culturelle (1970), Marxisme et Sciences humaines (1970).

Penseur marxiste, d'un marxisme qui puise essentiellement dans la lecture du jeune Marx et dans l'éclairage qu'en donne Georg Lukács, Lucien Goldmann aimait à citer cette pensée de ce dernier qu'il reconnaissait comme son maître : « Ce n'est pas la prédominance des motifs économiques dans l'explication de l'histoire qui distingue d'une manière décisive le marxisme de la science bourgeoise, c'est le point de vue de la totalité. » L'œuvre littéraire, Goldmann la définit comme l'expression de la conscience d'un groupe social ou d'une classe. Mais cette conscience n'est pas la conscience réelle, découverte empiriquement, des agents sociaux, c'est la « conscience possible » (terme qu'il reprend à Lukács). Cette conscience possible est celle qui résulte nécessairement de l'être historique du sujet social ; elle est une structure déductible de la position du sujet dans la totalité historique et du rapport qu'il entretient avec celle-ci. C'est à travers cette catégorie de pensée — dont il n'est pas difficile de voir la parenté avec l'hégélianisme — que Goldmann étudie, dans sa meilleure œuvre — Le Dieu caché —, la « conscience » du jansénisme et des auteurs qui l'expriment (Pascal, Racine).

Il confirme ainsi le présupposé de sa recherche : « Les grands écrivains représentatifs sont ceux qui expriment, d'une manière plus ou moins cohérente, une vision du monde qui correspond au maximum de conscience possible d'une classe ; c'est le cas partout, pour les philosophes, les écrivains, les artistes. » (Sciences humaines et Philosophie.)

Chaque groupe social peut donc être défini par son « maximum de conscience possible » qu'il ne saurait dépasser. La connaissance de ce maximum est essentielle pour comprendre l'évolution d'une société ; mais elle est essentielle également pour la pratique politique, qu'un marxiste ne saurait mettre entre parenthèses. Goldmann écrira à ce propos : « Dans l'action sociale et politique, il est évident que les alliances entre classes ne peuvent se faire que sur la base d'un programme qui correspond au maximum de conscience possible de la classe la moins avancée. »

— André AKOUN

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Paris-V-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

André AKOUN. GOLDMANN LUCIEN (1913-1970) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONNAISSANCE

    • Écrit par Michaël FOESSEL, Yves GINGRAS, Jean LADRIÈRE
    • 9 106 mots
    • 1 média
    ...que chacun de ces domaines ait fait l'objet d'analyses visant à mettre en évidence les structures et processus sociaux en lien avec ces types de savoir. Dans son ouvrage Le Dieu caché, paru en 1955, Lucien Goldmann propose une sociologie de la littérature dans la tradition de la sociologie marxiste des...
  • CRITIQUE LITTÉRAIRE

    • Écrit par Marc CERISUELO, Antoine COMPAGNON
    • 12 918 mots
    • 4 médias
    ...faisant de la littérature et de l'art un reflet de la situation économique, de la superstructure un décalque de l'infrastructure. De György Lukács à Lucien Goldmann, cette doctrine est devenue plus complexe, dès lors qu'elle a vu les sujets de la création dans les groupes et non plus les individus,...
  • IDÉOLOGIE

    • Écrit par Joseph GABEL
    • 6 777 mots
    L. Goldmann a enfin formulé une distinction fructueuse entre idéologie et vision du monde. Pour ce penseur, la vision du monde (Weltanschauung) est – dans les limites tracées par la situation historique – une vision globale ; l'idéologie est, elle, tributaire d'une vision partielle...
  • LITTÉRATURE - Sociologie de la littérature

    • Écrit par Gisèle SAPIRO
    • 6 823 mots
    • 1 média
    En prenant appui sur les travaux de Lukács, le critique français Lucien Goldmann développe la méthode du structuralisme génétique. Pour Goldmann, le vrai sujet de l'œuvre n'est pas l'auteur individuel mais le groupe social auquel il appartient. La vision du monde du groupe constitue la médiation...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi