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FUNÈS LOUIS DE (1914-1983)

Fernandel passera probablement à la postérité grâce aux quelques rôles mémorables qui lui ont été offerts par Marcel Pagnol. Mais Louis de Funès ? Curieuse et agaçante carrière que celle de cette vedette du cinéma comique français : vingt ans d'échecs et vingt ans de gloire. Plébiscité par le public et ignoré ou méprisé par la critique, Louis de Funès, à travers cent films médiocres, est parvenu à créer un personnage unique et à l'imposer, en contradiction avec toutes les traditions connues. Il est rare qu'un personnage comique ne soit pas sympathique... De Funès a joué la carte de l'impopularité, bravant les habitudes et les conseils, et c'est par là qu'il est devenu populaire. Ce curieux destin a commencé comme commencent tous les destins d'artistes : la théorie des petits métiers que l'on exerce en attendant le succès. Pour ne pas déroger à la règle, Louis de Funès a gagné sa vie comme comptable, comme fourreur, étalagiste, décorateur et, surtout, musicien d'ambiance dans un piano-bar. Une calvitie précoce et un visage insignifiant le prédisposaient à de petits rôles d'appoint dans des distributions « à la française » qui affectionnent les viviers d'où extraire un troisième couteau immédiatement disponible et opérationnel. C'est dans ces eaux mortes que l'on rencontrait naguère Carette, Armontel, Jean Tissier, Noël Roquevert, Pierre Larquey et autres Raymond Bussières, bons comédiens au demeurant, mais condamnés aux honneurs subalternes.

De Funès semblait devoir suivre humblement cette voie. On le remarquait d'un film à l'autre, irascible ou chafoin. Il triompha même dans un petit rôle en or, celui de M. Jambier, négociant profiteur de guerre, humilié et terrorisé par Jean Gabin dans La Traversée de Paris. On ne sait pas exactement où placer le tournant décisif qui fit du modeste acteur de complément une star du cinéma comique français. Il tient le rôle principal dans L'Affaire Blaireau (rebaptisé : Ni vu ni connu) en 1957. Mais il retombe ensuite dans le semi-anonymat des travaux et des films tels que Papa, maman, la bonne et moi et la suite. Mais un jour, grâce à Bourvil et à Gérard Oury, grâce, plutôt, à une conjonction heureuse et au besoin de rire diffus de la France profonde, Le Corniaud fait un malheur. Depuis ce titre de gloire, Louis de Funès ne connaîtra de défaillance que pour cause de maladie. Tout lui réussit. Ses apparitions plus ou moins burlesques dans les films précédents lui avaient, pour ainsi dire, servi de répétitions. Le personnage esquissé en pointillés s'épanouit et s'impose, péremptoire et infatigable. Il représente désormais sur l'écran tout ce que l'on n'aime pas : le petit chef ou le grand chef, le supérieur, le patron, cynique avec la hiérarchie d'aval, servile avec celle d'amont. Cette phrase qu'un dialoguiste a mise dans sa bouche définit parfaitement sa philosophie : « Les riches doivent être très riches et les pauvres très pauvres. »

Pour des raisons peut-être un peu troubles et qui frisent le masochisme, le public est heureux de retrouver en lui l'adjudant, le chef de rayon, le directeur, et de constater, par son truchement, que l'injustice règne bien dans la société, laquelle est contrôlée par des pantins caractériels. De Funès nous renvoie la grimace de la vie courante et l'assume vaillamment. Il exagère, il en fait trop, il s'époumone, il insiste, persiste, saoule. Ses propos méchants sont soulignés par une mimique et une gestuelle qui ne sont jamais de contrepoint mais franchement pléonastiques. C'est de là que lui vient sa force comique : de l'excès dans la caricature, de l'audace à renchérir sur les effets les plus outrés. C'est un don, une sorte de génie. Beaucoup d'autres comédiens se sont ridiculisés en essayant[...]

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Écrit par

  • : journaliste, éditeur, organisateur d'expositions sur le cinéma

Classification

Pour citer cet article

Gilbert SALACHAS. FUNÈS LOUIS DE (1914-1983) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LA GRANDE VADROUILLE, film de Gérard Oury

    • Écrit par Kristian FEIGELSON
    • 918 mots

    Élève du cours Simon, Gérard Oury (1919-2006), né à Paris, intègre le Conservatoire en 1938, puis il devient pensionnaire à la Comédie-Française où Édouard Bourdet lui confie le rôle de Britannicus. L'occupation allemande le contraint à poursuivre sa carrière de comédien à Genève. Il revient en France...

Voir aussi