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BROGLIE LOUIS DE (1892-1987)

La matière et le dualisme onde-corpuscule

L'optique avait été, tout au long de son histoire, dominée par le dualisme fameux : la lumière a-t-elle une origine corpusculaire (se réduit-elle à un ensemble de particules spécifiques ?), ou bien requiert-elle une genèse ondulatoire (est-elle constituée d'une série de vibrations d'un milieu spécifique, l'éther ?).

Après l'avènement des conceptions corpusculaires issues de la physique de Newton, le xixe siècle, avec les travaux de Young, de Fresnel, de Maxwell, semblait consacrer les hypothèses d'Huygens et d'Euler, assignant ainsi une nature ondulatoire aux vibrations lumineuses. Néanmoins, les récents travaux de Planck, en soulignant le caractère discontinu du rayonnement, à son émission et à son absorption, semblaient revenir sur cette solution. D'après Einstein (1905), le rayonnement est constitué par des grains dont l'énergie W s'exprime en fonction de la fréquence ν de l'onde par : W = hν. Cette énergie s'avère multiple d'une quantité d'action fondamentale h = 6,625 × 10—27 erg.s, appelée encore constante de Planck. S'il en est ainsi, la constitution de ces grains d'énergie – ou photons – s'avère en corrélation étroite avec la fréquence d'une onde associée. Cette double nature de la lumière constituait le problème essentiel débattu à la Conférence internationale de 1911.

La solution de Louis de Broglie semble à maints égards paradoxale. Il s'agit, en effet, de guérir le mal dont souffre l'optique en l'étendant au domaine des particules matérielles : « À toute particule matérielle de masse m et de vitesse v doit être “associée” une onde réelle de longueur d'onde λ = hmv (1). » Pour énoncer cette proposition révolutionnaire, Louis de Broglie fait appel à des principes issus à la fois de la relativité restreinte et de la mécanique (théorème de Hamilton-Jacobi). D'après la relativité restreinte, la phase d'une onde de Fresnel doit être invariante, c'est-à-dire indépendante du système de référence galiléen dans lequel elle est exprimée. Pour cela, il est nécessaire que la quantité de mouvement :

correspondant à l'énergie W = hν de l'onde, c'est-à-dire à la fréquence ν et à la longueur d'onde λ, se transforme comme le ferait la quantité de mouvement :
d'un corpuscule de masse m et de vitesse v. Imaginant que l'analogie traduite par cette transformation correspond à une véritable parenté physique, Louis de Broglie est amené à identifier (2) et (3), c'est-à-dire à poser :

Tout se passe comme si la petitesse de la constante de Planck h réussissait à voiler, dès que la masse du corpuscule est suffisamment grande, son aspect ondulatoire caractérisé par la longueur d'onde.

C'est donc seulement pour les particules de masses et de vitesses assez faibles – par exemple pour les électrons libres diffusés – que pourrait se manifester la présence de l'onde associée imaginée par Louis de Broglie. Effectivement, en 1927, les ondes de Louis de Broglie permettaient d'expliquer parfaitement les résultats, jusque-là aberrants, obtenus en 1923 par Davisson et Kunsman, puis en 1927 par Davisson et Germer. Les maxima étonnants présentés par la courbe relative à la diffusion des électrons par les cristaux sont des maxima de diffraction et traduisent l'existence d'une onde associée aux électrons. Sa longueur d'onde possède exactement la valeur (1) prévue par le jeune physicien français.

En novembre 1929, Louis de Broglie reçoit le prix Nobel « pour sa découverte de la nature ondulatoire de l'électron ».

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Pour citer cet article

Marie-Antoinette TONNELAT. BROGLIE LOUIS DE (1892-1987) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Louis de Broglie - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Louis de Broglie

Autres références

  • ATOME

    • Écrit par José LEITE LOPES
    • 9 140 mots
    • 13 médias
    La théorie fondamentale de la physique atomique, la mécanique quantique (cf. physique quantique), fut formulée en 1924-1925, grâce aux recherches de De Broglie, Schrödinger, Heisenberg ainsi que de Born, Jordan et Dirac.
  • BROGLIE LES

    • Écrit par Hervé PINOTEAU
    • 376 mots
    • 1 média

    La famille Gribaldi, d'origine piémontaise, est connue depuis 1254, et même avant, et sa filiation est établie depuis Simon Broglia, vivant à Chieri en 1342. François Broglia (mort en 1656), investi du comté de Revel (province de Coni) par le duc de Savoie, passa au service de la France, où il obtint...

  • ÉLECTRICITÉ - Histoire

    • Écrit par Jacques NICOLLE
    • 6 197 mots
    • 11 médias
    En 1925, Louis de Broglie (1892-1987) élabore la mécanique ondulatoire en associant des ondes aux divers corpuscules (électrons, protons, etc.). On se trouve donc en présence d'un double aspect que présentent à la fois lumière et matière. La liaison entre ces deux qualités (ondulatoire et corpusculaire)...
  • ÉLECTRONS

    • Écrit par Jean-Eudes AUGUSTIN, Bernard PIRE
    • 6 657 mots
    • 5 médias
    La théorie quantique de l'électron a commencé par l'hypothèse de Louis de Broglie (1892-1987) qui suggère en 1923 que l'association onde-corpuscule observée pour le photon est universelle : il associe à l'électron en mouvement une longueur d'onde λ = h/p, où p est l'impulsion...
  • Afficher les 9 références

Voir aussi