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LOGEMENT OUVRIER

Crespi d'Adda

Tel fut le cas en Italie de Crespi d'Adda, une agglomération voisine de la commune de Capriate San Gervasio (province de Bergame, Italie). La ville s'ordonne par rapport à une voie centrale séparant la zone industrielle de la zone résidentielle, cette dernière étant constituée de grosses maisons carrées, sur deux niveaux, bien séparées par des jardins. À l'entrée, la préoccupation urbanistique s'exprime dans la présence d'une église paroissiale imitée de Bramante, œuvre de L. Cavenaghi (1893) et d'un château patronal, œuvre de E. Pirovano (1897). On relève là le souci de faire l'éducation esthétique d'une population en lui offrant un cadre de vie inspiré des traditions de l'art et de l'architecture italiennes. Au fond de la cité, comme le symbole du parcours d'une vie, un cimetière monumental ferme l'ensemble, œuvre de G. Moretti (1897).

C'est en 1875 que Cristoforo Benigno Crespi créa ce village, avec le souci immédiat de loger les ouvriers, d'abord dans des immeubles multifamiliaux de trois étages, les palasocc (1878), toujours visibles au voisinage de l'église. Son fils, Silvio Benigno (1868-1944), lui succéda en 1889 et développa le projet paternel dans un sens différent. Dans un petit livre : Dei mezzi per prevenire gli infortuni e per garantire la vita e la salute degli operai nell'industria del cotone in Italia, il exprime la conviction que, le soir, le travailleur doit pouvoir rentrer heureux chez lui, dans un cadre confortable, calme et paisible. Celui qui aime sa maison aime sa famille et son pays et échappera toujours au vice et à la paresse. Pour s'attacher des travailleurs dévoués, il faut les loger en maisons unifamiliales entourées d'un petit potager, comme dans les cités ouvrières britanniques ou germaniques que Silvio Benigno avait visitées dans sa jeunesse. « Un sentiment d'amitié et de fraternité s'établira entre l'employeur et ses ouvriers. La lutte de classes n'existera plus, tous les cœurs déborderont d'amour universel et d'idéaux pacifistes ». Crespi d'Adda apparaît comme une utopie sociale exceptionnelle parce que complètement réalisée, et qui durant les cinquante années de la gestion des Crespi n'a connu ni grèves ni désordres sociaux.

Le village ouvrier n'a subi que très peu de modifications ; il est dans un état de conservation remarquable et, depuis 1995, est inscrit sur la liste des lieux déclarés patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O.. Son rôle social a disparu, alors même que subsistent le caractère unique et la beauté architecturale du site. C'est cela qui a séduit des acquéreurs appartenant à la bourgeoisie des affaires ou exerçant des professions libérales à Milan, qui ont décidé d'en faire leur résidence principale ou secondaire.

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Écrit par

  • : responsable du programme international de l'écomusée de la communauté urbaine Le Creusot-Montceau

Classification

Pour citer cet article

Maria Teresa MAIULLARI. LOGEMENT OUVRIER [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • PATRIMOINE INDUSTRIEL (France)

    • Écrit par et
    • 6 548 mots
    • 2 médias
    ...décrite au Creusot, où une seule famille règne sur des milliers d'individus, se retrouve également à la chocolaterie Menier à Noisiel (Seine-et-Marne), dotée d'une cité ouvrière : maisons individuelles pour les couples mariés et pensions de famille pour les célibataires, bains-douches, crèches, garderies,...