Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LES REGRETS, Joachim du Bellay Fiche de lecture

En 1553, Joachim du Bellay quitte Paris pour Rome afin d'être le secrétaire de son oncle, le cardinal Jean du Bellay. Pendant ce séjour qui n'est que déception et tracas, Du Bellay compose deux recueils de sonnets – Les Regrets et les Antiquités de Rome – publiés en 1558, quelques semaines après son retour en France. Alors que les Antiquités de Rome évoquent la grandeur et le déclin de l'ancienne capitale du monde, Les Regrets fustigent la corruption de la Rome moderne et témoignent de la douleur de l'exil.

Regrets, satires et éloges

Ils se composent de 191 sonnets d'alexandrins et s'ordonnent selon un schéma assez clair : les « regrets » proprement dits – la veine élégiaque – disent le désarroi du poète éloigné de sa terre natale : « Je me promène seul sur la rive latine,/ La France regrettant, et regrettant encor,/ Mes antiques amis, mon plus riche trésor,/ Et le plaisant séjour de ma terre angevine » (sonnet 19). Suivent les poèmes satiriques – la plus grande partie du recueil – d'abord dirigés contre la Rome pontificale puis, après le retour à Paris, contre la cour de France que redécouvre un Du Bellay désabusé ; pour finir, une trentaine de poèmes de louange s'adressent aux amis poètes et aux grands de ce monde. En somme, après la plainte, la querelle ; après Rome, la France ; après le blâme, l'éloge ; mais toujours, sous une forme ou sous une autre, l'insatisfaction.

Le recueil apporte des innovations considérables. Il reprend les procédés, les images et les motifs des modèles hérités de Pétrarque, mais il en change radicalement l'esprit et les contenus. Depuis son introduction (récente en France), le sonnet était considéré comme le poème amoureux par excellence. Les recueils pétrarquistes célébraient et pleuraient l'indifférence d'une femme insaisissable. Au lieu de cela, Du Bellay chante le regret du pays absent. Il ne parle pas d'amour, ne maudit pas une cruelle, mais invective un entourage hostile et corrompu.

Sur le plan formel, Les Regrets sont le premier recueil composé uniquement de sonnets d'alexandrins (les Antiquités de Rome alternaient alexandrins et décasyllabes). Sur le fond, ils introduisent, à l'exemple italien, la satire dans le sonnet. Enfin le poète, dès les premiers vers, revendique l'originalité de son dessein : il renonce aux grands sujets et se contente de dire, au jour le jour, les « accidents divers » qui émaillent sa vie ; il abandonne le grand style qu'il avait prôné dans la Défense et illustration de la langue française (1549), manifeste de la Pléiade, pour composer « une prose en rime ou une rime en prose ». Et il donne à l'ensemble un aspect quasi épistolaire en adressant un grand nombre de ses sonnets à des personnages divers. Sans doute, la dédicace ou l'apostrophe était chose courante dans la pratique poétique de l'époque, mais pas à ce point. Ici l'« exil » encourage le procédé, qui accentue l'impression d'improvisation et de spontanéité que Du Bellay entend imposer à son lecteur.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Yvonne BELLENGER. LES REGRETS, Joachim du Bellay - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BELLAY JOACHIM DU (1522-1560)

    • Écrit par Gilbert GADOFFRE
    • 3 517 mots
    Bien que Du Bellay soit toujours resté pour ses contemporains le poète de L'Olive, les Regrets doivent à leur facilité de lecture et à leur style décontracté d'avoir conservé une popularité plus longue et plus étendue. Ils ont donné à Joachim l'exutoire qui manquait à ses dons de polémiste décapant,...
  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.

    • Écrit par Frank LESTRINGANT
    • 6 760 mots
    • 3 médias
    Le principal recueil poétique de du Bellay, Les Regrets, comportant cent quatre-vingt-onze sonnets, publié comme les précédents en 1558, est une œuvre à maints égards satirique, où se mêlent aussi la mélancolie et la nostalgie du village natal (sonnet XXXI – « Heureux qui comme Ulysse… »). Le titre...

Voir aussi