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GOWING LAWRENCE (1918-1991)

L'historien d'art et essayiste anglais Lawrence Gowing fut aussi peintre (il enseignait la peinture à la Slade School of Fine Arts de l'université de Londres, où il succéda à son maître William Coldstream, défenseur d'un réalisme de bon ton). Il y a tout lieu de penser que son travail de peintre ne laissera pas un souvenir durable, pourtant son exceptionnel esprit critique doit beaucoup à sa pratique picturale ; en ce sens, Gowing ressemble beaucoup à un autre écrivain d'art anglais, Adrian Stokes, avec qui il était fort lié et dont il prépara l'édition posthume des œuvrescomplètes (1978). Lawrence Gowing était avant tout un connaisseur, particulièrement attentif aux procédés et matériaux mêmes de son art, mais, et le fait est beaucoup plus rare qu'on ne le croit généralement, un connaisseur qui savait écrire, et qui ne rechignait pas à décortiquer les œuvres d'art qui lui importaient pour des lecteurs-spectateurs moins enclins à en percevoir le mécanisme interne. Le premier texte paru de lui en français, «  Cézanne : la logique des sensations organisées », dans la revue Macula, donne toute la mesure de l'intelligence visuelle de Gowing : même si l'on est parfois en désaccord avec la manière dont les tableaux et les aquarelles sont analysés, à travers une grille de lecture fixée à l'avance, ce texte donne à voir les œuvres de Cézanne comme aucun autre essai critique avant (lui. Ce texte, publié dans la version américaine du catalogue de l'exposition consacrée aux dernières années de Cézanne (organisée par le Museum of Modern Art de New York et accueillie ensuite au Grand Palais à Paris), avait été supprimé dans la version française. À la décharge de l'institution artistique française, il faut signaler qu'elle ne fut pas la seule à ignorer le travail critique de Gowing. Longtemps, conservateurs et historiens d'art se méfièrent de cet artiste qui empiétait sur leurs plates-bandes. Mais, un jour de novembre 1957, Gowing acheta un tableau dans une vente publique et le déclara de Poussin — attribution qui fut acceptée aussi bien par Anthony Blunt que par Denis Mahon, les deux spécialistes britanniques du peintre, mais qui fut refusée par le spécialiste français Jacques Thuillier. À partir de cette date, il fallut compter avec Gowing. Son éblouissant petit livre sur Vermeer, passé sous silence lors de sa parution en 1950, reçut enfin l'attention qu'il méritait (c'est devenu un best-seller depuis sa réédition américaine en 1970). Puis ses livres sur Constable (1960), Goya (1965) et Turner (1966) établirent peu à peu sa réputation d'écrivain. Gowing se fit également connaître comme organisateur d'expositions (entre autres : Matisse, 1966 ; Hogarth, 1971 ; les aquarelles de Cézanne, 1973), rédigeant, pour chacune, un catalogue qui a fait date. La dernière de ces manifestations fut consacrée aux débuts de Cézanne (1988 à Paris, 1989 à Washington) et mit fin au mépris que l'on avait pour cette période du peintre. L'édition américaine du catalogue contient un hommage vibrant de la part de John Rewald, le doyen des spécialistes de l'impressionnisme, commençant par ces mots : « Il n'y a aujourd'hui personne qui ait une connaissance plus intime, plus intense et plus lucide de l'œuvre de Cézanne que Lawrence Gowing. » La diversité des intérêts de Gowing, dont témoignent les titres de ses ouvrages, est encore plus manifeste si l'on considère ses innombrables comptes rendus de livres ou d'expositions : de Georges de La Tour à Palmer, de Mantegna à Klee, de Corot à Braque, de Seghers à Picasso. À chaque fois, quels que soient le public auquel il s'adressait et le niveau de complexité auquel il situait son analyse, on constate la même volonté de pénétrer à l'intérieur du système du peintre, de comprendre[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

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Pour citer cet article

Yve-Alain BOIS. GOWING LAWRENCE (1918-1991) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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