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BLUNT ANTHONY (1907-1983)

L'historien de l'art Anthony Blunt est décédé à Londres le 26 mars 1983.

Renommé parmi ses pairs, universitaires et conservateurs, ce grand savant devint la proie d'un scandale retentissant lorsque, le 15 novembre 1979, à la requête de députés travaillistes, le Premier ministre anglais, Margaret Thatcher, révéla à la Chambre des Communes son engagement dans un réseau d'espionnage au service de l'Union soviétique, de 1940 à 1954, alors même qu'il travaillait pour le MI-5, organisation de contre-espionnage britannique. Cette affaire prit une tournure nettement politique lorsqu'il fut établi que l'espion, interrogé à plusieurs reprises depuis 1951, était passé aux aveux en 1964, mais bénéficiait d'une complète impunité. Elle a gravement altéré l'image d'un homme dont on ne saurait cependant oublier les contributions nombreuses et souvent capitales à l'histoire de l'art, en particulier dans le domaine de l'art français du xviie siècle et dans celui de l'architecture à l'âge classique.

Né en 1907, Anthony Blunt était le fils d'un pasteur anglican qui occupa la charge de chapelain de l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris de 1911 à 1921. C'est donc dès son plus jeune âge que le futur historien put se familiariser avec la culture française et apprendre une langue qu'il parlait à la perfection. Après le retour de sa famille en Angleterre, il poursuivit sa scolarité à Marlborough. Comme il le suggère lui-même dans un article autobiographique rédigé en 1973 à l'intention de ses étudiants (« From Bloomsbury to Marxism », in The Studio, no 960), l'atmosphère d'émulation frondeuse qui régnait à l'intérieur de ce cocon traditionnel, situé à l'écart des réalités du monde, fut déterminante pour sa formation intellectuelle, ses goûts littéraires et artistiques. C'est là qu'avec ses condisciples P. Harding, J. Bowle, J. Betjeman et L. Mc Neil il découvrit aussi bien la poésie élisabéthaine que Keats et Shelley, et Osbert Sitwell, tout comme G. Stein, J. Joyce, G. Eliot et V. Woolf. C'est là aussi qu'il découvrit, dans le domaine des arts visuels, le baroque (notamment sous l'influence de son frère, le peintre Wilfrid Blunt), le Gothic Revival et surtout l'art moderne, à la lumière des écrits de R. Fry et de C. Bell, dont il renia par la suite le formalisme intransigeant, le complet mépris pour la fonction et la signification des œuvres et le rejet systématique de toute expression naturaliste. La revue The Heretick, qu'il fonda dès 1924 dans l'idée encore enfantine d'y mener croisade contre les préjugés de l'establishment, lui permit d'exprimer, à travers des articles anticonformistes qui firent scandale à l'intérieur de l'école, cette première adhésion à l'art moderne. « Upon Philistia will I triumph », telle était la devise du nouveau journal.

En 1926, Blunt entreprit des études de mathématiques à Cambridge. L'université était dominée à cette époque par les idées du groupe de Bloomsbury et de la Society of Apostles, dont l'intellectualisme et le désintérêt relatif à l'égard de la politique contribuaient à créer ce climat d'irréalité que le nouveau venu avait déjà connu à Marlborough. Diplômé de mathématiques et de langues modernes en 1930, Blunt fut reçu professeur à Trinity College en 1932 et il entreprit dans les mêmes années ses premières études importantes d'histoire de l'art, en particulier une thèse sur les idées de Poussin sur la peinture, laquelle déboucha sur sa Théorie des arts en Italie, publiée à Oxford en 1940 (trad., Paris, 1962). Quoique toujours marqué par les choix artistiques de Fry et de Bell et par leur prédilection pour Cézanne et le néo-impressionnisme, il se passionna alors[...]

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Pour citer cet article

Robert FOHR. BLUNT ANTHONY (1907-1983) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CAIRNCROSS JOHN (1913-1995)

    • Écrit par Roland MARX
    • 610 mots

    Issu de l'élite sociale britannique, John Cairncross fit ses études à Cambridge, où il rencontra, dans les années 1930, d'autres jeunes gens révoltés par la société même qui leur servait de tremplin, et quelque peu rapprochés souvent par une homosexualité qui n'empêcha pas plusieurs d'entre eux...

  • DELORME PHILIBERT (1514-1570)

    • Écrit par Françoise BOUDON
    • 4 228 mots
    • 2 médias

    Delorme – dont on orthographie le nom de plusieurs façons et souvent de l'Orme, à l'exemple de Philibert lui-même – a spectaculairement occupé le devant de la scène de son vivant ; mort, il n'a cessé d'accaparer les esprits. La trajectoire de sa fortune critique – encore mal étudiée – indique clairement...

Voir aussi