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LAOCOON, mythologie

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

Pendant masculin de Cassandre, Laocoon est ce prêtre troyen d'Apollon Thymbréen auquel Virgile attribue, par la bouche d'Énée (L'Énéide, II, 49), une de ces maximes qui font les délices du sceptique lecteur des lexiques spécialisés dans le genre. Laocoon est donc celui qui en aucune langue n'aurait pu dire ce que la langue latine, même scandée par un poète, lui fait pourtant dire : Timeo Danaos et dona ferentes ; du moins si, en crédule amateur de mythes, l'on soutient, contre l'évidence proprement aveuglante du sens commun, que la voyance inspirée par le dieu solaire ne se réduit nullement à une élémentaire prévoyance dans la conduite des affaires. Cela ne veut pas dire, certes, que le devin — qui n'est après tout qu'un mortel — ne soit pas lui aussi aveugle à ce qui se trame dans son dos, victime et jouet de la lumière dont il a reçu le cadeau empoisonné, comme le commun des mortels est victime et jouet des apparences. C'est même là tout le tragique de l'histoire, celle de Laocoon comme celle de Troie : que celui qui voit pour les autres soit incapable et de s'en faire entendre et de se voir lui-même, que le vrai — ce qui crève les yeux — ne soit pas vraisemblable, et que le vraisemblable ne soit pas vrai. Dans le cheval abandonné par les Grecs devant les murs de Troie, Laocoon est en effet, avec Cassandre, l'un des seuls parmi ses concitoyens à reconnaître une de ces ruses dont, plus que tout autre parmi ses compatriotes, Ulysse a l'intelligence. Mais si, comme Cassandre, il a le don de la divination, il est tout aussi dépourvu que sa sœur en funestes visions du don de la persuasion : sans doute parce que les mortels ne veulent entendre que ce qui leur fait plaisir ; mais aussi parce que, comme Cassandre, qui s'était refusée au dieu après s'être promise à lui en échange du « don » qui devait lui rester, il a offensé Apollon en s'unissant dans son sanctuaire avec Antiopé, devant la statue consacrée. De cette union naquirent deux fils, Ethron et Mélanthons (ou Antiphas et Thymbracos), autour desquels devait, si l'on ose dire, se nouer le destin tragique et de Troie et du prêtre sacrilège. La cité n'ayant en effet plus de prêtre de Poséidon depuis que le débarquement des Grecs avait valu à celui qui occupait cette charge d'être lapidé, Laocoon fut invité à sacrifier un taureau à Poséidon, dans une intention dont on devine sans peine qu'elle n'était point charitable pour la flotte ennemie. C'est le moment que choisit le Thymbréen pour dépêcher, de l'île où les Grecs attendaient l'heure propice, deux énormes serpents qui, sortant de l'eau, se précipitèrent sur les fils de Laocoon, lequel se porta sans délai au secours de sa progéniture et périt étouffé avec elle. Les reptiles ayant ensuite été se lover au pied de la statue d'Athéna, les Troyens crurent tous — à l'exception sans doute de Cassandre — que Laocoon avait été puni d'avoir offensé Athéna, en conseillant de brûler le cheval censé lui être consacré et en osant, à l'appui de ses dires, lancer sur lui un javelot qui avait fait résonner la cavité ménagée dans son ventre. Mais, peut-être les Troyens n'avaient-ils pas tort non plus d'interpréter les choses ainsi, puisque c'est à la fois le tort et le sort des mortels que d'être contraints d'interpréter ; et que personne ne peut dire ce qui se serait passé s'ils n'avaient point fait entrer le cheval dans leurs murs.

— Robert DAVREU

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Écrit par

  • : enseignant en littérature générale et comparée à l'université de Paris-VIII, poète et traducteur

Classification

Pour citer cet article

Robert DAVREU. LAOCOON, mythologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

Autres références

  • LAOCOON, sculpture

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 254 mots
    • 1 média

    Laocoon est ce prêtre de Troie qui voulut empêcher ses concitoyens de faire entrer dans leur ville le « cheval de Troie » laissé sur le rivage par les Grecs et décrit par Virgile dans le chant II de L'Énéide. Poséidon envoya deux serpents monstrueux pour l'étouffer lui et ses deux fils....

Voir aussi