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LA NOUVELLE HÉLOÏSE, Jean-Jacques Rousseau Fiche de lecture

Jean-Jacques Rousseau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jean-Jacques Rousseau

Le roman par lettres de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Julie, ou la Nouvelle Héloïse, forme avec Émile et Du contrat social un trio de grandes œuvres que l'écrivain achève presque en même temps. Mais si les traités pédagogique et politique correspondent à l'image que le citoyen de Genève entend donner de lui, l'œuvre de fiction semble contredire la condamnation de la littérature que celui-ci exprimait dans le Discours sur les sciences et les arts.

Un roman contre les romans

Rousseau a composé Julie, ou la Nouvelle Héloïse durant son séjour à l'Ermitage chez Mme d'Épinay et dans l'exaltation de la relation qu'il entretenait avec la belle-sœur de celle-ci, Mme d'Houdetot, maîtresse de Saint-Lambert. L'invention du roman d'amour se nourrit de cette idylle sentimentale où Rousseau se place en tiers, entre Mme d'Houdetot et Saint-Lambert. Il rêve alors d'une union similaire entre trois êtres d'exception, capable de dépasser le simple désir et de construire une « société » idéale. Ainsi le roman d'amour, moralement dangereux, socialement condamnable, se transforme-t-il en un roman philosophique où les missives enflammées alternent avec les discussions morales. Selon le principe du « remède dans le mal », Rousseau a composé un roman, symptôme d'une civilisation corrompue, pour lutter contre la corruption. La Préface s'ouvre sur ce paradoxe : « Il faut des spectacles dans les grandes villes, et des romans aux peuples corrompus. J'ai vu les mœurs de mon temps, et j'ai publié ces lettres. Que n'ai-je vécu dans un siècle où je dusse les jeter au feu ! »

Le roman adopte la forme épistolaire, lancée par les Lettres persanes de Montesquieu et Clarisse Harlowe de Richardson, traduit par Prévost. Il joue ainsi sur l'illusion d'une correspondance réelle, d'une écriture spontanée qui ne se soucie pas de la rhétorique, propre aux grandes villes et surtout à Paris. En contact direct avec la nature, les deux amants sont les habitants d'un pays de Vaud décentré par rapport aux grands axes culturels européens. Le sous-titre du roman précise : Lettres de deux amants habitants d'une petite ville au pied des Alpes, recueillies et publiées par Jean-Jacques Rousseau. Ces lettres sont regroupées en six parties d'inégale longueur. Les trois premières suivent les bonheurs et les crises de la liaison entre Julie et Saint-Preux, jusqu'à la séparation et au mariage de Julie avec M. de Wolmar. Saint-Preux s'exile alors pour un long tour du monde qui correspond au centre de l'œuvre. Les trois dernières parties décrivent la petite société de Clarens, construite par M. et Mme de Wolmar, à laquelle Saint-Preux essaie de s'agréger, jusqu'au drame final.

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Michel DELON. LA NOUVELLE HÉLOÏSE, Jean-Jacques Rousseau - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean-Jacques Rousseau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jean-Jacques Rousseau

Autres références

  • AMOUR

    • Écrit par Georges BRUNEL, Baldine SAINT GIRONS
    • 10 182 mots
    • 5 médias
    ...phénoménologie de la conscience amoureuse que le moraliste devra d'abord se perdre, s'il prétend ébaucher une éthique digne de ce nom. Et Rousseau justifiera par là son incursion dans le domaine romanesque : ressuscitant l'amante d'Abélard sous les traits de Julie d'Étanges, il soulignera...
  • ROUSSEAU JEAN-JACQUES (1712-1778)

    • Écrit par Bernard GAGNEBIN
    • 4 968 mots
    • 2 médias
    Dans La Nouvelle Héloïse, Rousseau imagine sur le mode romanesque l'organisation d'une famille – au sens patriarcal, incluant la domesticité, les familiers de la maison, les cousins, les amis... – qui vivrait selon les enseignements de la nature, une nature non pas brutale et sauvage mais fécondée...

Voir aussi