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LA NOBLESSE D'ÉTAT, Pierre Bourdieu Fiche de lecture

Pierre Bourdieu (1930-2002) est professeur au Collège de France lorsqu'il publie La Noblesse d'État en 1989. Tout en s'inscrivant dans la continuité des travaux que le sociologue a consacrés à l'éducation (Les Héritiers, 1964, La Reproduction, 1970), cet ouvrage fondamental ouvre la voie d'une sociologie de l'État dont le fil directeur, la théorie des champs, est repris de ses travaux plus récents (La Distinction, 1979, Homo Academicus, 1984). En s'appuyant sur une série d'enquêtes collectives (notamment réalisées en collaboration avec Monique de Saint-Martin, qui signe plusieurs chapitres du livre), Pierre Bourdieu entend ainsi s'interroger sur les relations entre le « champ des grandes écoles » et le « champ du pouvoir ».

Classifications scolaires et production d'une noblesse d'État

C'est en partant d'une analyse du « système des relations statistiques » entre classe sociale et classement scolaire que Pierre Bourdieu entend mettre en lumière les correspondances entre la hiérarchie des « qualités » communément attribuées aux différentes classes sociales et la hiérarchie des « jugements » scolaires portés sur ceux qui en sont issus (première partie). Pour le sociologue, ces « formes scolaires de classification », qui sont elles-mêmes le « produit de l'incorporation des structures sociales », ont un effet d'autant plus puissant dans la « reproduction » de ces structures, qu'elles tendent à favoriser de manière inconsciente et inaperçue la « transformation du capital hérité en capital scolaire ». C'est cette action de consécration qui permet de comprendre les logiques de production d'une élite « séparée » destinée à occuper les positions dominantes (deuxième partie). En agrégeant un ensemble d'individus qui se ressemblent par nombre de leurs « propriétés », tant scolaires que sociales, les grandes écoles tendent en effet à « produire un groupe très homogène », dont l'homogénéité est renforcée par les effets de socialisation.

À cette opération de « concentration de capital symbolique », dont chacun des agents ainsi agrégés se trouve être le dépositaire (et dans laquelle s'enracine un « esprit de corps »), correspond une opération de sacralisation qui accrédite aux yeux de tous « la frontière qui les met hors du commun ». Les grandes écoles se trouvent ainsi investies du pouvoir extraordinaire qui consiste à « opérer dans le continuum social une série de coupures plus ou moins arbitraires et à les légitimer », et donc à produire une « noblesse d'État » en transformant un ensemble d'agents en « détenteur du monopole légitime d'une vertu sociale ou d'une compétence, au sens juridique du terme, c'est-à-dire d'une capacité légalement reconnue d'exercer un pouvoir efficient parce que légitime ».

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Écrit par

  • : docteur en science politique, chargé de recherche Marie Curie, London School of Economics

Classification

Pour citer cet article

Antonin COHEN. LA NOBLESSE D'ÉTAT, Pierre Bourdieu - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CLASSES SOCIALES - Classe dominante

    • Écrit par Gérard MAUGER
    • 2 474 mots
    ...relations. Elle oppose donc les différentes fractions de la classe dominante au sein du champ du pouvoir. Le champ du pouvoir, explique Bourdieu dans La Noblesse d'État en 1989, est « un champ de forces défini dans sa structure par l'état du rapport de force entre des formes de pouvoir, ou des...
  • ÉLITE, notion d'

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 1 434 mots
    ...des grandes écoles pourvoyeuses des élites républicaines sélectionnées par les concours et formellement certifiées : la « noblesse d'État » étudiée par Pierre Bourdieu (1989). La circulation du public au privé, de l'appareil d'État au monde des affaires, est cependant fréquente chez ceux qui ont la réputation...

Voir aussi