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L'ÂGE D'HOMME, Michel Leiris Fiche de lecture

Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

Michel Leiris date avec précision l'écriture de L'Âge d'homme : de décembre 1930 – moment où il remet à son ami Georges Bataille le manuscrit de Lucrèce, Judith et Holopherne – à novembre 1935, où il achève la rédaction du livre et le dépose sur le bureau d'André Malraux, lecteur chez Gallimard. Après une attente de quatre ans, L'Âge d'homme, magistral autoportrait placé sous le signe de la vérité et des Confessions de Rousseau (que Leiris a lues en 1933), paraît en 1939.

Un autoportrait sans concession

Dans les premières pages de L'Âge d'homme, Michel Leiris brosse un portrait sans concession de lui-même à cet âge de trente-quatre ans qu'il atteint en achevant son livre. Il se situe au présent : « Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées ; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans mon caractère. » Les circonstances qui jalonnent cette quête du passé sont aussi importantes que les réminiscences elles-mêmes. Le livre se construit dans une perpétuelle confrontation entre les souvenirs et leurs multiples associations et résonances dont l'autobiographe suit scrupuleusement les moindres détours jusqu'à la description minutieuse des plus petits détails des images d'Épinal, des scènes théâtrales ou liées à l'opéra, des allégories et des mythes qui nourrissent la mémoire.

Les phrases longues et complexes sont entrecoupées d'incises et mêlent parfois plusieurs temps : le passé, le présent et même des projections dans l'avenir. L'auteur prend de temps à autre le lecteur à témoin ou interrompt son récit pour faire part de ses difficultés : « À mesure que j'écris, le plan que je m'étais tracé m'échappe et l'on dirait que plus je regarde en moi-même plus tout ce que je vois devient confus, les thèmes que j'avais cru primitivement distinguer se révélant inconsistants et arbitraires, comme si ce classement n'était en fin de compte qu'une sorte de guide-âne abstrait, voir un simple procédé de composition esthétique ».

L'auteur manifeste une particulière obstination à établir des relations entre les fiches qui regroupent par thèmes les souvenirs significatifs, comme autant de chapitres, sans renoncer pour autant à démonter les mécanismes complexes qui le conduisent à devenir le « jouet des événements ». Il suit un parcours chronologique, de la petite enfance où il s'initie aux mystères de la mort, de la naissance, de Noël mais aussi de l'infini et de l'âme, jusqu'à cet âge d'homme qu'il atteint peut-être à vingt et un ans en 1922, peut-être lors de son mariage en 1926, peut-être en 1935 en achevant ce livre, ou en 1945 seulement, après avoir connu la guerre. L'entreprise reste ouverte et se révèle inépuisable. Les fiches de L'Âge d'homme marquent le point de départ des fichiers qui serviront de matériau aux quatre volumes de « La Règle du jeu » (Biffures, 1948 ; Fourbis, 1955 ; Fibrilles, 1966, Frêle Bruit, 1976). L'écriture autobiographique de Leiris se poursuivra jusque deux ans avant sa mort (A cor et à cri, 1978).

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Pour citer cet article

Aliette ARMEL. L'ÂGE D'HOMME, Michel Leiris - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

Autres références

  • AUTOBIOGRAPHIE, notion d'

    • Écrit par Alain BRUNN
    • 1 440 mots

    Auto-bio-graphie : écriture de sa propre vie, écriture par soi de sa vie. Le terme est double : au sens large, est autobiographique toute écriture intime ; au sens étroit, l'autobiographie, distincte des Mémoires, du journal intime ou de l'autoportrait, est un genre parmi d'autres de...

  • LEIRIS MICHEL (1901-1990)

    • Écrit par Gilles QUINSAT
    • 2 907 mots
    • 1 média
    La  structure  parcellaire  de  L'Âge d'homme, en même temps qu'ordonnée selon une certaine rigueur chronologique, est un peu celle qui permet de voir se relier l'une à l'autre les pièces exposées dans un musée, en un mouvement d'intensification qui s'accroît à chaque étape. Un tel...

Voir aussi