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KUMĀRILA (VIIe s.?)

L'une des formes les plus originales que prend la tradition brahmanique dans l'Inde classique (entre le ~ vie et le viiie) est le darshana (darśana, « façon de voir ») appelé Mīmāmsā, voué à l'exégèse des textes liturgiques du Veda. La Mīmāmsā s'organise autour d'un texte de référence en forme de sûtras (sūtra, « chaîne de propositions ») attribué à un certain Jaïmini, dont le nom désigne sans doute plus une école de théologiens qu'une personnalité. Les sûtras étant, par définition, elliptiques, un commentaire (bhāṣya) s'avéra nécessaire, le plus ancien, en l'occurrence, étant celui de Shabara (śabara, ve s. ?). L'œuvre de Kumârila (Kumārila) s'organisera, à son tour, à partir du complexe Jaïmini-Shabara, c'est-à-dire revêtira, comme si souvent en Inde, la forme d'un « commentaire de commentaire ». En fait, à ce niveau, le sous-commentaire prend volontiers l'aspect d'un traité indépendant, greffé, mais de loin, sur l'œuvre du prédécesseur. Tout porte à croire que Kumârila, que l'on surnomme Bhatta (bhaṭṭa, « le maître »), fut un brahmane de l'extrême sud de l'Inde (Kerala) et qu'il mena une vie de maître spirituel actif et renommé dans son pays : on dit qu'il a persécuté les bouddhistes et fondé des monastères brahmaniques à la manière de Shankara, qui fut presque son contemporain (śaṇkara, viiie s., également natif du Kerala). Kumârila divise en trois grandes parties, qui constituent autant de traités indépendants, sa réflexion sur l'œuvre de Jaïmini-Shabara : ce sont le Ślokavārttika (« glose en vers »), le Tantravārttika (« glose en forme de livre ») et la Tupṭīkā (nom propre). Ne se contentant plus d'expliquer comment fonctionne le sacrifice (doctrine de l'acte efficace de soi-même), Kumârila s'intéresse au salut (ou « délivrance », mukti) et surtout au problème des rapports entre l'essence (ātman/brahman) et l'existence ; polémiquant vigoureusement contre les bouddhistes, il soutient la doctrine brahmanique classique qui fait du brahman l'« assise » de toute réalité, face à ses adversaires qui professent la vacuité (śunyatā) des phénomènes. Par bien des points, il annonce Shankara, qui défendra à peu près les mêmes thèses, et contre les mêmes penseurs.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. KUMĀRILA (VIIe s.?) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DETTE, anthropologie

    • Écrit par Charles MALAMOUD
    • 10 460 mots
    • 1 média
    ...l'expression « celui qui désire le ciel » et le rôle qu'elle joue dans la phrase, les mīmāṃsaka se scindent en deux écoles. Pour la branche majoritaire, celle de Kumārila, cette injonction est en même temps une promesse : « celui qui désire le ciel doit offrir le sacrifice » implique que, par le moyen de ce sacrifice,...
  • LOGIQUE INDIENNE

    • Écrit par Kuno LORENZ
    • 6 569 mots
    ...clair le caractère général de l'implication, qui dans l'exemple « partout où [il y a] fumée, là [il y a] du feu » a été traditionnement exprimé, depuis Kumārila le maître de la Mīmāṁsā (environ 620-680), par les mots « vyāpti de la fumée et du feu » (littéralement : la fumée imprégnée par le feu, interpénétration...

Voir aussi