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ASHBERY JOHN (1927-2017)

Né le 28 juillet 1927 à Rochester, John Ashbery a grandi dans une ferme dans l'ouest de l'État de New York. Après des études de lettres à Harvard, à la Columbia University et à la New York University, une bourse lui permit de faire un premier séjour à Paris, en 1955-1956. Il y retourna deux ans plus tard comme critique d'art de l'édition française du New York Herald Tribune, puis fut rédacteur de Art News à New York de 1966 à 1972. À partir de1974, il enseigne dans des universités américaines (notamment à Harvard, comme Charles Eliot Norton Professor of Poetry, de 1989 à 1990). S’il fut également auteur de pièces de théâtre et d’écrits sur l’art, c’est d’abord la poésie qui oriente son œuvre.

Une poésie de l'aléatoire

Son premier recueil de poèmes, SomeTrees, paraît en 1956 avec une introduction de Wystan Hugh Auden. D'emblée Ashbery refuse les confessions, les « ecce homo » et autres life-studies à la Robert Lowell aussi bien que l'héritage du « modernisme » de T. S. Eliot pour se réclamer de cette autre « tradition du nouveau » qui va de Rimbaud, Lautréamont, Apollinaire et Roussel aux dadaïstes et aux surréalistes. Il ne s'agit plus de s'aventurer dans des forêts de symboles, « quelques arbres » suffiront. Cette volonté d'en finir avec une esthétique désormais désuète est encore plus affirmée dans The Tennis Court Oath (1962), ensemble déroutant de textes fragmentés selon la technique du collage et du cut-up, où Ashbery « démembre la poésie pour essayer de comprendre comment elle fonctionne ». Mais à partir de Rivers and Mountains (1966), il s'emploie à la « remembrer ». Plus de la moitié des pages de ce recueil est occupée par « The Skaters », premier d'une série de longs poèmes discursifs, comme en écrivaient déjà les poètes américains de la première moitié du siècle, d'Ezra Pound à Hart Crane. Dès The Double Dream of Spring (1970), la méditation poétique revient en force dans « Fragment », mais deux ans plus tard, dans ThreePoems (1972), ouvrage au titre trompeur, Ashbery abandonne la prosodie métrique pour la syntaxe dense et tortueuse et les cadences encore plus libres de grands blocs de prose.

Trois ans plus tard paraît Self-Portrait in aConvex Mirror (1975). Le poème qui donne son titre à ce livre renvoie à un énigmatique tableau peint au Cinquecento par le Parmesan. Soustrait au visible, l'autoportrait d'un peintre mort il y a plus de quatre siècles y revient dans celui d'un poète d'aujourd'hui à la recherche d'un miroir où se reconnaître. Jeu de reflets, équivoques du réfléchi. L'ekphrasis, la description du portrait, se repliant sur elle-même en une sévère et séduisante méditation sur le passé et le présent, sur la ressemblance et la différence, sur l'identité et la répétition, reprend en abyme toutes les grandes interrogations de la poésie moderne.

Depuis Self-Portrait in a Convex Mirror, qui allait devenir pour la poésie postmoderne américaine le texte fétiche, ce que The Wast Land, de T. S. Eliot, avait été pour le modernisme, Ashbery a continué sans relâche à réinventer les formes et les genres poétiques, y compris les plus anciens et les plus complexes comme la sextine, et de HouseboatDays (1977) à Can You Hear, Bird (1995) il n'a cessé d'écrire ses poèmes dans une étonnante variété de formats et de registres. As We Know (1979) s'ouvre sur « Litany », texte de plus de cent pages en deux colonnes parallèles « à lire comme des monologues simultanés mais indépendants », et se poursuit avec quarante-sept poèmes lyriques, dont les plus courts se réduisent à une simple phrase. Dans Shadow Train (1981), en revanche, Ashbery s'astreint aux contraintes formelles du sonnet. AWave (1984) offre à la fois des haïkus et un nouveau[...]

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Pour citer cet article

André BLEIKASTEN. ASHBERY JOHN (1927-2017) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...commune véritable : avoir subi, directement ou indirectement, l'influence de Frank O'Hara (mort prématurément en 1966). Le plus connu d'entre eux est John Ashbery, dont l'œuvre, qui compte quelques-uns des poèmes majeurs de la poésie contemporaine (dans Rivers and Mountains et The Double Dream...

Voir aussi