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LECLAIR JEAN-MARIE (1697-1764)

Jean-Marie Leclair a sa place parmi les très grands musiciens français du xviiie siècle : mais sa réputation serait mieux établie probablement s'il était né à Hambourg ou à Venise, au lieu de voir le jour à Lyon. C'est comme danseur qu'il apparaît tout d'abord : trait typiquement français. Au xviiie siècle, composition, violon et danse ont encore partie liée en deçà des Alpes, et la réputation des danseurs français règne sur l'Europe entière. C'est à la cour de Turin que Leclair paraît ainsi pour la première fois ; il y est maître de ballet et travaille le violon avec Somis. À vingt-cinq ans, il publie à Paris son premier recueil de Sonates, puis se taille un triomphal succès de virtuose au Concert spirituel. En 1734, il entre à la Musique du roi. Mais son caractère difficile apparaît déjà : rivalité avec Guignon, incompatibilité d'humeur, insociabilité qui lui font quitter brusquement l'orchestre royal ; il se fixe à Amsterdam, important centre musical ; il y travaille avec Locatelli ; il séjourne à la cour de l'infant d'Espagne à Chambéry ; puis, de retour à Paris, il fait exécuter à l'Opéra Sylla et Glaucus, son unique tentative en ce domaine. Après un voyage en Hollande, il revient à Paris, où il meurt d'un coup de couteau donné dans la rue, en pleine nuit, par un inconnu : on découvrit son corps le lendemain matin.

Caractère difficile et ombrageux, instabilité d'humeur, misanthropie : ce ne fut pas un homme aimable ni, probablement, heureux. Mais son œuvre est de premier plan. Plus que l'opéra Sylla et Glaucus (1745), qui n'est sans doute pas ce qu'il y a de plus important chez lui, malgré des pages remarquables, en particulier les passages symphoniques (Leclair souffre de n'être pas un homme de théâtre), c'est sa musique instrumentale qui est considérable. Elle consiste en une série de recueils de sonates, publiées tout au long de sa vie, de 1723 à 1753 : Sonates pour violon seul (1734). Sonates pour violon et basse continue (4 vol., 1723-1738), pour deux violons sans accompagnement (1730), pour deux violons et basse continue (6 recueils, 1730-1753), ainsi qu'en deux volumes de Concertos, 1737-1743 (pour le violon à l'exception d'un seul, pour flûte ou hautbois). Leclair était célèbre pour la précision, la justesse de son jeu, et pour sa virtuosité dans les doubles cordes. Son domaine est donc le violon : il y est maître. L'aisance et la hardiesse de la technique violonistique se manifestent à chaque instant dans ses sonates. Mais, à la différence de Locatelli par exemple, il ne tombe jamais dans l'excès de la virtuosité : la rigueur de la composition, la hauteur de la pensée, et aussi le charme, égalent ou dépassent le brillant et l'éclat de la technique. Ce qui est admirable chez Leclair, c'est justement l'équilibre parfait que l'on trouve dans chaque œuvre, entre diverses tendances : de l'audace, de la hardiesse, mais profondément réfléchie. Une correction parfaite de l'écriture, sans froideur : du lyrisme au contraire, dans certains mouvements lents en particulier, mais grave et presque majestueux dans sa démarche. De la tendresse, mais contenue ; de la fougue parfois, ma non troppo. Le mot d'équilibre résume Leclair ; équilibre qui se retrouve aussi dans la manière dont il a su allier l'héritage italien du violon, comme celui du langage musical, avec la tradition française. La stylisation des rythmes chorégraphiques de la suite à la française dans le cadre de la sonate à l'italienne en est un remarquable exemple. Ses concertos en trois mouvements (les sonates sont à quatre mouvements : andante, allegro, andante, vivace) sont exclusivement pour soliste (pas de concerto grosso). Quatre tutti encadrent trois passages soli dans les mouvements vifs[...]

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Écrit par

  • : directeur de l'Institut de musique et danse anciennes de l'Île-de-France, conseiller artistique du Centre de musique baroque de Versailles

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Pour citer cet article

Philippe BEAUSSANT. LECLAIR JEAN-MARIE (1697-1764) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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