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CHAPTAL JEAN ANTOINE (1756-1832)

« La Révolution qui s'effectue est une belle chose ; mais je voudrais qu'elle fût arrivée il y a vingt ans. Il est fâcheux de se trouver dessous, quand on démolit une maison, et voilà notre position », écrivait Chaptal en octobre 1789. De la maison démolie, il saura pourtant tirer les matériaux d'un bel édifice personnel : exemple typique de ces bourgeois, plus nombreux qu'on ne le croit, qui ne seront jamais révolutionnaires et qui sauront utiliser la Révolution pour une fructueuse carrière.

Né dans le Gévaudan, fils d'un grand propriétaire terrien, Chaptal fait ses études de médecine à Montpellier avant de monter à Paris pour étudier la chimie, puis de revenir en 1780 à Montpellier occuper la chaire de chimie nouvellement créée. Ce sont les applications industrielles de la science qui l'intéressent ; un riche mariage et un gros héritage l'ayant mis en possession d'une fort jolie fortune, il achète des terrains, établit des ateliers, expérimente ses découvertes : amélioration de la production de l'acide chlorhydrique ; « chaptalisation » des vins ; exploitation de l'alun et des pouzzolanes. « Je crois être le premier, dit-il, qui ait appliqué en France les connaissances chimiques aux arts. Jamais la science n'a rendu de plus grands services au commerce et à l'industrie que la chimie de ces derniers temps. »

En 1793, gros capitaliste et savant renommé, Chaptal se place parmi les réactionnaires ; il préside à Montpellier le Comité central de la rébellion fédéraliste. Emprisonné à la suite de l'échec du mouvement, il est libéré sur l'intervention de chimistes plus révolutionnaires comme Fourcroy et Berthollet ; pour se dédouaner, il accepte de diriger la production des poudres et salpêtres. Deux ans plus tard, en 1795, il reprend sa liberté et retrouve ses affaires en piteux état à Montpellier ; il les rétablit vite et même les développe encore ; il achète un vaste terrain à Paris, y fonde une grande fabrique, y gagne beaucoup plus encore qu'à Montpellier ; le coup d'État du 18-Brumaire le trouvera, bien sûr, parmi les bons qui se rassurent plutôt que parmi les méchants qui tremblent.

Bonaparte reconnaît vite en lui un des hommes qui peuvent servir le mieux ses objectifs ; en novembre 1800, Chaptal, déjà au Conseil d'État depuis décembre 1799, remplace Lucien Bonaparte au ministère de l'Intérieur. Ministère dont les compétences sont sensiblement plus étendues qu'aujourd'hui (et débarrassées du souci de la répression par l'existence distincte d'un ministère de la Police). En certains domaines, Chaptal a peu à intervenir car le Premier consul contrôle directement l'activité de subordonnés nominaux du ministère : Crétet aux Ponts et Chaussées, Portalis aux Cultes, Fourcroy et Rœderer à l'Instruction publique, Vivant Denon aux Musées et Beaux-Arts, Français de Nantes aux Droits réunis. Reste surtout à Chaptal le domaine qu'il connaît le mieux et pour lequel il a le plus de goût et d'idées : l'agriculture, le commerce et l'industrie. Sans système d'ensemble, sans même trop rechercher de cohérence à long terme, Chaptal agit par une série d'initiatives pragmatiques, le plus souvent heureuses ; il est sans conteste l'un des tout premiers artisans de la reprise économique en France sous le Consulat. Et l'on doit aussi mettre à son actif une série de mesures pour la santé publique : réorganisation et modernisation des hôpitaux et hospices, de l'École de pharmacie, création de l'École des sages-femmes. Il s'occupe beaucoup des prisons... avec le même soin que des hôpitaux.

Le 8 août 1804, Champagny remplace Chaptal au ministère. La petite histoire raconte que, voulant provoquer la démission de son ministre, Napoléon s'était arrangé pour[...]

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Pour citer cet article

Jean MASSIN. CHAPTAL JEAN ANTOINE (1756-1832) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE, Jean-Antoine Chaptal - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis DEMIER
    • 1 299 mots

    Quand Jean-Antoine Chaptal (1756-1832) publie en 1819 De l'industrie française, deux forts volumes de 533 pages, il est au faîte de sa notoriété. Une des personnalités les plus remarquables du personnel napoléonien, ce savant devenu entrepreneur a aussi été durant l'Empire un ministre de l'Intérieur...

  • CHAMBRE DE COMMERCE & D'INDUSTRIE (CCI)

    • Écrit par Georges BLUMBERG
    • 814 mots

    Organisme destiné à représenter les intérêts des professions commerciales et industrielles. La plus ancienne des chambres de commerce est celle de Marseille : elle fut fondée en 1599 par Barthélémy de Laffemas. Colbert et Pontchartrain poursuivront l'œuvre dans plusieurs villes marchandes du royaume....

  • SUCRE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET
    • 7 247 mots
    • 10 médias
    ... de novembre 1806) avait interdit l’importation sur le continent européen des produits provenant des colonies anglaises. Dans ce contexte, en 1810, Jean Antoine Chaptal indique à Napoléon qu’il est possible de produire du sucre en Europe, à partir de la betterave. La même année est mise au point, dans...

Voir aussi