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UEXKÜLL JAKOB VON (1864-1944)

Naturaliste et biologiste allemand, Jakob von Uexküll fit ses études à Heidelberg. En 1925, il fonda à Hambourg l'Institut für Umweltforschung (Institut d'étude du milieu et de l'environnement), dont il fut le directeur. Parti de l'étude des invertébrés, il s'intéressa au comportement animal en général ; la valeur de ses descriptions fait de lui un des grands précurseurs de l'éthologie contemporaine. Surtout, il a forgé deux concepts essentiels : celui d'Umwelt (le monde extérieur à un sujet en tant qu'il est pour lui un milieu) et celui, qui lui est corrélatif, d'Innenwelt (le monde intérieur). Ces concepts doivent quelque chose à la philosophie kantienne : chaque espèce vit dans un environnement unique, qui est ce qui « lui apparaît », déterminé par son organisation propre (ses « structures a priori »), par ses récepteurs sensoriels et ses effecteurs ; la capacité des récepteurs et des effecteurs détermine ce qui devient stimulus et signe pour l'animal, bref ce qu'il « perçoit » ; la somme des stimuli possibles pour l'animal est son Merkwelt et la somme de ses réponses possibles son Wirkwelt, l'ensemble constituant l'Umwelt. Ces conceptions sont exprimées dans Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen, publié à Hambourg en 1934 (Mondes animaux et mondes humains, trad. P. Muller, 1956). Pour comprendre les animaux, il ne faut pas voir en eux des choses mais bien des sujets ; tout ce qu'un sujet perçoit devient son monde de la perception et tout ce qu'il fait son monde de l'action ; ces deux mondes forment ensemble une totalité close, le milieu, le monde vécu. Ce dernier est à distinguer de l'entourage objectif de l'animal, qui peut lui être hostile, alors que le milieu, adaptation de l'animal à l'entourage, est par définition optimal. Von Uexküll répond ainsi à une interrogation fort ancienne et presque naïve : comment les animaux voient-ils le monde (certaines planches de l'ouvrage présentent « la chambre vue par le chien », ou « une rue de village vue par une mouche ») ? Von Uexküll a un sens aigu — on est tenté de dire : proche de l'attitude d'un romancier — de la diversité des « mondes » où évoluent les êtres : « Trop souvent nous nous imaginons que les relations qu'un sujet d'un autre milieu entretient avec les choses de son milieu prennent place dans le même espace et dans le même temps que ceux qui nous relient aux choses de notre monde humain. Cette illusion repose sur la croyance en un monde unique dans lequel s'emboîteraient tous les êtres vivants. » Par là apparaît un problème que l'on a désigné comme le « problème des univers parallèles et contradictoires ». Von Uexküll reconnaît que « le rôle que joue la nature en tant qu'objet dans les différents milieux est contradictoire » et que, « si l'on voulait rassembler ses caractères objectifs, on serait devant un chaos ». Force est cependant de constater que « tous ces milieux sont portés et conservés par la totalité qui transcende chaque milieu particulier : la nature ». La spéculation philosophique n'est pas absente des ouvrages de von Uexküll, ainsi qu'en témoignent notamment L'Esprit immortel à l'œuvre dans la nature (Der unsterbliche Geist in der Natur, 1947), La Vie toute-puissante (Das allmächtige Leben, 1950), L'Homme et la nature. Éléments d'une philosophie de la nature (Der Mensch und die Natur. Grundzüge einer Naturphilosophie, 1953). Dans un texte de 1940, Bedeutungslehre (« Théorie de la signification », in Mondes animaux et mondes humains), von Uexküll expose une théorie, précisons-le, non linguistique de la signification, plus exactement des « connotations » que revêtent les objets (obstacle, nourriture, etc.) pour les[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

Classification

Pour citer cet article

Françoise ARMENGAUD. UEXKÜLL JAKOB VON (1864-1944) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HISTOIRE DE L'ÉTHOLOGIE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Raymond CAMPAN
    • 976 mots

    1854 Isidore Geoffroy Saint-Hilaire utilise pour la première fois le terme « éthologie » dans son sens actuel (étude comparative du comportement animal) pour désigner les descriptions des mœurs des animaux telles qu'elles ont été faites par Aristote, Buffon, Réaumur, G. Leroy ou Lamarck....

  • PERCEPTION (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 227 mots
    ...de nos perceptions n’est en aucun cas un signe d’erreur. La nature permet une sorte de « miracle », celui d’autoriser chaque espèce à vivre dans ce que Jacob von Uexküll (1864-1944), l’un des pionniers de l’éthologie, dénomme son « Umwelt », son monde environnant. À la fin de Mondes animaux...
  • ANIMALITÉ

    • Écrit par Florence BURGAT
    • 7 682 mots
    • 9 médias
    ...comportement porteur de sens, il est indissociable du contexte dans lequel il s'élabore. Aussi, l'introduction de la notion husserlienne d'intentionnalité par Jakob von Uexküll, dans les années 1930, mérite d'être soulignée : elle permet de faire valoir que dans le monde animal aussi les phénomènes sont ...

Voir aussi