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BYARD JAKI (1922-1999)

Aussi insaisissable dans la mort qu'il l'a été dans l'existence, Jaki Byard meurt le 11 février 1999 à son domicile de Queens, à New York, d'une balle en pleine tête. Assassinat sans trace d'effraction ou suicide de l'incarnation même de la joie de vivre, sa disparition reste entourée de mystère.

Jaki Byard aura tout fait pour brouiller les pistes. Compositeur, professeur, arrangeur, il peut s'exprimer sur tous les instruments qu'utilise le jazz : la contrebasse, la trompette, la batterie, la famille entière des saxophones, la guitare, le trombone et même le violon. Sans oublier, évidemment, le piano, qui lui vaut une très grande popularité et lui permet d'adopter à volonté le style d'Art Tatum, de Fats Waller, d'Erroll Garner, de Bud Powell ou de Cecil Taylor. Celui qui fut aussi technicien en stores vénitiens et garçon coiffeur échappe à toute les tentatives de classification avec une carrière qui ne trouve de cohérence que dans un regard rétrospectif.

John A. Byard Jr. naît le 15 juin 1922 à Worcester (Massachusetts), dans une famille qui pratique la musique. Enfant, il étudie le piano classique et suit les traces de son père, qui joue dans des fanfares, en s'initiant à la trompette. C'est d'ailleurs grâce à cet instrument qu'il est engagé, de 1938 à 1941, par un orchestre local, Freddie Bates and his Nighthawks. Il en sort pianiste de jazz confirmé et commence à se produire à Boston. Suit l'inévitable mobilisation aux armées (1941-1946), qui lui offre l'occasion de jouer avec le pianiste Ernie Washington et le batteur Kenny Clarke. Ses premiers arrangements datent de cette époque. De retour à Boston en 1947, il se produit avec divers ensembles instrumentaux et fréquente les studios d'enregistrement. Pour un temps, il se fixe au Québec, où il travaille dans l'orchestre du tromboniste canadien Joe Gordon et rencontre le saxophone ténor Sam Rivers. Boston l'accueille à nouveau, comme pianiste surtout, mais aussi comme saxophoniste, dans les formations d'Earl Bostic (1949-1950) et de Jimmy Tyler (1950-1952). En 1958, il publie son premier disque sous son nom, Blues for Smoke. Il fréquente Serge Chaloff et entre dans la formation de Maynard Ferguson (1959-1962). Jaki Byard s'établit ensuite à New York, où on peut l'entendre en solo et en trio (avec Ron Carter à la contrebasse et Pete La Roca à la batterie, notamment). Une brève collaboration avec les Jazz Messengers (1965) et une intégration durable aux divers sextettes de Charlie Mingus, avec qui il effectue des tournées en Europe (1964, 1968, 1970), ne l'empêchent pas de se produire avec Eric Dolphy, Booker Ervin, Rahsaan Roland Kirk, Charlie Mariano, Don Ellis, Sam Rivers...

Converti à l'islam à la fin des années 1960 (mais sans changer de nom), il se consacre de plus en plus à l'enseignement, au New England Conservatory of Music de Boston et à l'université du Massachusetts, en particulier. Il n'abandonne pas pour autant les tournées ; il va en Australie (1971), au Japon (1971 et 1972), en Chine (1972)... À la fin des années 1980, on le voit encore diriger deux big bands qui portent le même nom, The Apollo Stompers, l'un à Boston, l'autre à New York.

Des diverses incarnations de ce musicien caméléon, c'est le pianiste qui demeure le plus attachant. Doté d'une très remarquable technique, il développe un jeu très puissant avec une main gauche affirmative, une grande habileté dans le stride et un toucher à la fois énergique et coloré. Héritier d'Earl Hines – avec qui il a enregistré plusieurs duos en 1972 – et de Thelonious Monk, il fréquente sans peur l'avant-garde, avec l'assurance que lui donne le classicisme de son univers musical. Dans les plus folles envolées de Charlie Mingus, Jaki Byard sera tout autant la sagesse que la sérénité.[...]

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Pierre BRETON. BYARD JAKI (1922-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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