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PELETIER DU MANS JACQUES (1517-1582)

Poète français, mais aussi grammairien, mathématicien et médecin, esprit mobile et curieux, bouillonnant d'aspirations et d'idées. Un peu plus âgé que Ronsard et que Du Bellay, il fait la connaissance du premier puis du second avant même qu'ils n'entrent au collège de Coqueret, et leur prodigue ses conseils. Il préside ainsi aux origines de la Pléiade ; il sera en contact constant avec le groupe, mais tiendra toujours une place à part. Il publie, vers 1545, une traduction en vers de l'Art poétiqued'Horace dont la dédicace est, avant la Deffence et illustration de la langue françoise de Du Bellay, un chaleureux plaidoyer en faveur de la langue nationale, puis, en 1547, un volume d'Œuvres poëtiques qui comprend des traductions d'une part, des « vers lyriques de l'invention de l'auteur » (dont un Chant du desesperé) de l'autre. Il abandonne la même année la direction du collège de Bayeux pour mener à travers la province une existence vagabonde qui le conduit à Bordeaux, à Poitiers, à Lyon, et pour poursuivre des études de médecine et de mathématiques (il publiera une Arithmetique et une Algebre en français, avant d'écrire une « Géometrie » en latin). Il propose, dans son Dialogue de l'ortografe e prononciation françoise (1550), un système graphique nouveau, plus proche de la réalisation phonique, qui n'aura aucun succès, mais qu'il adoptera lui-même dans ses œuvres, ce qui en rend l'apparence étrange et la lecture pittoresque. Peletier publie, en 1555, un Art poëtique departi an deus volumes (vues générales puis considérations particulières sur la poésie française) qui reprend mais aussi étoffe et précise les principes de la Deffence, en donne une formulation plus mesurée, plus nette, plus élaborée, ainsi qu'un volume de vers, l'Amour des amours : celui-ci réunit une centaine de sonnets pétrarquistes et un ensemble de quatorze odes mi-descriptives, mi-lyriques, les unes météorologiques, les autres astrologiques, intitulé l'Uranie, qui marque le passage d'un amour « simple e nu » à un amour « general e universel » — en même temps que l'apparition en France de la poésie scientifique. Au cours d'un séjour à Annecy auprès de Marguerite de France, Peletier compose un poème en trois chants, descriptif, didactique et gnomique, la Savoye, qui manifeste les préoccupations d'un savant et d'un praticien (il n'a pas cessé de se consacrer aux mathématiques et à la médecine) plus que le tempérament d'un poète. Il sera encore principal du collège de Guyenne, puis de celui du Mans. Son dernier recueil, les Œuvres poëtiques intituléz Louanges, paraît en 1581 : on y trouve en particulier une « Louange de la sciance » qui est considérée comme son testament intellectuel et une « Remontrance à soemème » dans laquelle il fait le bilan de sa carrière. Le nom de Peletier ne figure pas dans la liste des membres de la Pléiade retenue par la tradition ; Ronsard qui, à en croire son biographe, lui aurait finalement préféré celui de Dorat, l'y avait pourtant maintenu vingt-cinq ans. Et l'on ne saurait séparer du grand mouvement poétique (non plus que du grand mouvement d'idées) du xvie siècle ce novateur, si caractéristique de la Renaissance par la diversité de ses curiosités et sa disponibilité à toutes les aventures et à toutes les conquêtes de l'esprit : il a ouvert la voie à d'autres et, si ceux-ci ont ensuite illustré avec plus de bonheur ou de talent une doctrine dont il a pourtant donné le meilleur exposé, il a su faire œuvre originale.

— Bernard CROQUETTE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Bernard CROQUETTE. PELETIER DU MANS JACQUES (1517-1582) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PLÉIADE

    • Écrit par Gilbert GADOFFRE
    • 3 489 mots
    ...passés par le collège Coqueret, ils ont dû quitter Paris et renoncer pour différentes raisons à la création littéraire. Le premier de ces compagnons est Peletier du Mans, dont l'influence a été véritablement séminale. Secrétaire de René du Bellay, évêque de Mans, il a écrit, quatre ans avant la ...

Voir aussi