Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MALLET DU PAN JACQUES (1749-1800)

Avec Burke, Gentz et J. de Maistre, Mallet du Pan fut l'un des principaux théoriciens de la contre-révolution. D'origine suisse, il s'est imprudemment mêlé aux troubles de Genève, soutenant en 1766 la cause des « natifs », les immigrés récents, contre l'ancienne bourgeoisie, puis dénonçant en 1782, au nom du « juste milieu », la révolution genevoise. Contraint de s'exiler, il vient en France et il est chargé par Panckoucke en 1784 de relancer Le Mercure. À Paris, il se lie avec d'autres émigrés : Clavière, futur ministre des Finances, Étienne Dumont et surtout François d'Ivernois, qui, réfugié à Londres, devait critiquer ensuite l'œuvre financière de la Révolution. Les événements de 1789 sont accueillis par Mallet du Pan avec méfiance. Dès 1787, il écrivait : « La France étant incapable d'une délibération froide, l'est aussi d'un gouvernement libre où chacun doit discuter avec poids et mesure. » Étant étranger, il se croit tenu, au début de la Révolution, à une certaine réserve ; mais, après la prise de la Bastille, il s'inquiète de la tournure prise par les événements et devient le porte-parole des monarchiens Mounier, Bergasse, Malouet. À ses yeux, la Déclaration des droits de l'homme ne peut être appliquée intégralement sans danger, et mieux vaut s'en tenir à l'Évangile. Après les journées des 5 et 6 octobre 1789, il lui paraît que la Révolution est désormais entraînée par « la force des choses », expression que reprendra Saint-Just. Le vote de la Constitution de 1791, Constitution éloignée du modèle rêvé par les monarchiens, consacre pour Mallet du Pan l'échec de la révolution légale. Au moment où éclate la guerre, en 1792, il quitte Paris, chargé par Louis XVI d'une mission auprès de ses frères et des souverains coalisés contre la France. Il s'agit de leur prêcher la modération. C'est un échec. De retour en Suisse, Mallet du Pan écrit ses Considérations sur la nature de la Révolution de France et sur les causes qui en prolongent la durée (1793). Il y réfute la thèse selon laquelle la Révolution serait fille des Lumières. Selon lui l'Ancien Régime s'est effondré de lui-même. Le roi ayant perdu le pouvoir, la noblesse et le clergé, en mai 1789, la bourgeoisie, après le 14 juillet, ont tenté de le prendre et ont échoué. C'est au tour maintenant des non-possédants. Quel est le moteur de la Révolution ? « Ce sont les passions beaucoup plus que les connaissances qui bouleversent l'univers. » Nulle en France, la résonance de ce livre a été considérable en Allemagne où il fut traduit par Gentz. Il est en relation avec les cours de Berlin, Turin, Londres, Lisbonne et Vienne, dirigeant un réseau d'espionnage rival de celui du comte d'Antraigues. Mallet du Pan soutient en France l'action des royalistes modérés mais ceux-ci sont éliminés par le coup d'État du 18 fructidor (4 sept. 1797). Chassé de Suisse par les armées révolutionnaires, il se réfugie à Londres, où il publie le Mercure britannique. Il y meurt désespéré devant l'échec de tous ses rêves, anéantis par l'avènement de Bonaparte.

— Jean TULARD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean TULARD. MALLET DU PAN JACQUES (1749-1800) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONTRE-RÉVOLUTION

    • Écrit par Jean TULARD
    • 4 962 mots
    Le comte d'Antraigues doit compter avec un rival, le Genevois Mallet du Pan, jadis admirateur de Voltaire et rédacteur du Mercure de France, que les événements de juillet 1789 ont détourné de la Révolution. Mallet du Pan apparaît toutefois comme plus libéral que d'Antraigues. Dans ses bulletins, il tente...

Voir aussi