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MORAVEC IVAN (1930-2015)

Ivan Moravec - crédits : M. Dolezal/ CTK Photo/ Age Fotostock

Ivan Moravec

Ivan Moravec a refusé d’être un bateleur d’estrades. Loin des projecteurs, en dépit des multiples obstacles qui ont parsemé sa route, il a mené une carrière aussi discrète qu’obstinée. Il s’est choisi un répertoire étroit d’où est bannie toute page susceptible de s’abandonner aux facilités de la grandiloquence ou de la virtuosité gratuite. Si ce maître styliste n’a pas été une vedette populaire, il a suscité en revanche le respect de ses pairs et l’admiration des connaisseurs.

Ivan Moravec naît à Prague le 9 novembre 1930 dans une famille qui pratique la musique en amateur. Il commence à sept ans l’étude du piano avec Erna Grünfeld. À quinze ans, il entre au conservatoire de Prague. Un accident de patinage, qui le blesse aux vertèbres cervicales et endommage sa moelle épinière, le contraint d’abandonner pendant six ans (1948-1954), à un moment clé, la poursuite de sa formation. Avec l’aide d’Ilona Stepanova-Kurzova, il doit repenser entièrement sa technique pianistique qui repose désormais essentiellement sur le poids du bras et de la main. Jusqu’à la fin des années 1950, il ne quitte la Tchécoslovaquie que pour de rares récitals en Pologne et Hongrie. Il a déjà plus de vingt-six ans quand Arturo Benedetti Michelangeli le remarque et l’invite par deux fois, en 1957 et en 1958, dans les master-classes qu’il anime à Arezzo en Toscane. Londres lui offre un premier concert en 1959. Un petit label américain – la Connoisseur Society – négocie, après d’âpres discussions avec les autorités tchèques, sa venue à New York où il se fait applaudir en 1962 et où il grave plusieurs albums. George Szell, chef de l’orchestre de Cleveland, l’invite en 1964 à interpréter le Quatrième Concerto pour piano et orchestre de Beethoven. Ce moment décisif lui vaudra d’être invité par les plus grandes formations américaines – à New York, Philadelphie, Boston, San Francisco – et dans les festivals les plus réputés comme ceux de Tanglewood, Ravinia ou le Hollywood Bowl. Milos Forman le choisit pour illustrer son film Amadeus  (1984) avec un extrait du finale du Vingt-deuxième Concerto pour piano et orchestre de Mozart. Cependant, les charges de l’enseignement – il est pendant de longues années professeur aux académies de musique de Prague et de Pizen – et la mauvaise volonté persistante de son gouvernement, qui lui confisque régulièrement son passeport, limitent ses apparitions hors de la Tchécoslovaquie. Il faudra attendre les années 1990 pour qu’il enchante les grandes salles européennes avec des programmes consacrés à un petit nombre d’œuvres longuement mûries – signées Mozart, Beethoven, Chopin, Franck, Debussy ou Ravel – et à quelques compositeurs tchèques comme Smetana, Suk, Janacek et Korte. Son parcours dans l’univers du concerto – sous la baguette de Karel Ancerl, Hans Schmidt-Isserstedt, Kurt Masur, Erich Leinsdorf, Edo de Waart, Vaclav Neumann, Jiri Belohlavek, Eduardo Mata, Zubin Mehta, Simon Rattle, Mariss Jansons ou Neville Marriner – ajoute à la liste de ces musiciens les noms de Brahms, Dvorak et Prokofiev. Le succès – il est alors fêté jusqu’au Japon et en Australie – ne diminuera en rien ses exigences artistiques. Ivan Moravec meurt à Prague le 27 juillet 2015.

Depuis les sommets atteints avant-guerre par Alfred Cortot, on avait rarement entendu une telle liberté d’allure alliée à une analyse aussi rigoureuse de la partition. Une maîtrise technique absolue sans être jamais ostentatoire est mise au service d’un phrasé impérial. Avec un rubato souple et naturel, Ivan Moravec nous offre une somptueuse sonorité, aussi dense et charnue dans la puissance de forte dépourvus de toute trace de sécheresse que dans les pianissimos les plus diaphanes. Celui que l’on qualifie souvent de « pianiste pour les pianistes » nous laisse une discographie fournie, mais qui n’est que[...]

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Pierre BRETON. MORAVEC IVAN (1930-2015) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Ivan Moravec - crédits : M. Dolezal/ CTK Photo/ Age Fotostock

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