Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HUMANITÉS NUMÉRIQUES

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Débats et critiques

Les humanités numériques ont suscité nombre de débats et de critiques, comme il est logique pour un nouveau domaine de recherche. On a pu souligner le caractère flou et mouvant des humanités numériques, domaine qui a tendance à regrouper des recherches très variées, voire hétérogènes. Nous avons nous-mêmes souligné ici que la réalité des humanités numériques en tant que domaine scientifique méritait d’être discutée. Ce domaine est surtout marqué par un ensemble de pratiques très diverses et parfois en passe de devenir standards. Par exemple, l’édition des textes, désormais, implique quasiment toujours l’usage de l’ordinateur : ce domaine fait toujours partie des humanités numériques mais la simple utilisation d’un ordinateur ne constitue pas un motif différenciateur suffisant. Il s’agit là d’une évolution naturelle des pratiques d’un domaine devenues standards.

D’autres critiques, plus fondamentales, portent sur le côté parfois dérisoire ou « superficiel » des recherches estampillées « humanités numériques ». Pour les détracteurs du domaine, elles consistent à repérer quelques tendances ou phénomènes typiques, souvent sans grand intérêt ; ou bien les recherches aboutissent le plus fréquemment à des trouvailles triviales et connues auparavant, à l’image de celles de « chasseurs de papillons », collectionnant des phénomènes rares et remarquables, mais n’ayant aucune idée de la structure d’un problème et des vraies sources d’explication. Ces remarques ne sont pas à balayer d’un revers de main : certaines recherches semblent effectivement se justifier par le simple usage de l’ordinateur, sans réel fond théorique, ce qui est évidemment problématique. Beaucoup d’études s’arrêtent à des observations de surface ou à des considérations secondaires. À ce propos, il faut remarquer qu’il en va probablement de même dans tous les domaines scientifiques : il existe assurément des résultats plus spectaculaires que d’autres, avec des enjeux théoriques plus importants, mais cela ne suffit pas à remettre en cause un domaine de recherche, qu’il s’agisse des humanités numériques ou de tout autre domaine scientifique. Enfin, pour ce qui est de retrouver des résultats connus auparavant, c’est un point qui doit être assumé. La notion de reproductibilité est essentielle en science, et c’est sans doute un aspect pour lequel les humanités numériques peuvent apporter un bénéfice en promouvant la tendance actuellement forte en faveur d’une science ouverte où les hypothèses, les données et le code développé pour un projet particulier sont rendus publics et facilement réutilisables. Cette approche peut permettre d’affermir certaines propositions, en appliquant à des œuvres ou à de gros corpus des hypothèses et des traitements conçus à l’origine pour des corpus plus modestes.

D’autres débats ont porté sur le manque de diversité, parmi les chercheurs du domaine des humanités numériques, mais aussi et surtout concernant les corpus étudiés. Les recherches en humanités numériques requièrent d’avoir accès à des infrastructures informatiques importantes (bibliothèques, archives, infrastructures de calcul), si bien que les universités les moins dotées ne peuvent souvent pas y participer. Pour ce qui concerne les thèmes étudiés, il faut toutefois noter que l’accent est de plus en plus mis sur la diversité, par exemple à travers l’étude des minorités ethniques, politiques ou culturelles. Ainsi, la principale conférence du domaine, Digital Humanities, organisée en 2020, encourageait dans son appel à communications les propositions « en rapport avec les sujets et sous-disciplines qui nous intéressent au premier plan : études des Premières Nations, études des NativeAmericans, études indigènes ; humanités numériques publiques ; mouvement des données ouvertes[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Thierry POIBEAU. HUMANITÉS NUMÉRIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 15/12/2023

Médias

Méthodes de modélisation et de traitement des données : villa de Diomède - crédits : Villa Diomedes Project (http://villadiomede.huma-num.fr/3dproject/). Réalisation Alban-Brice Pimpaud (archeo3d.net).

Méthodes de modélisation et de traitement des données : villa de Diomède

Portrait d’Edmond de Belamy - crédits : obvious-art.com

Portrait d’Edmond de Belamy

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE VISUELLE

    • Écrit par
    • 4 464 mots
    ...nombreux précédents (les Archives de la planète constituées par Albert Kahn à Boulogne-Billancourt, l’Encyclopedia Cinematographica de Göttingen, le Human Studies Film Archives à Washington, etc.), celui-ci connaît d’ailleurs un prolongement important avecl’essor des « humanités numériques ».
  • ÉDITION ÉLECTRONIQUE

    • Écrit par
    • 4 013 mots
    • 3 médias
    ...les articles à des bases de données dynamiques et de rendre accessible non seulement un état final, mais un processus de recherche. Reliée au domaine des humanités numériques, la publication scientifique en ligne n’en est pourtant qu’au début des explorations possibles. Il en est de même pour beaucoup...
  • LINGUISTIQUE - Le langage au carrefour des disciplines

    • Écrit par
    • 10 063 mots
    • 6 médias
    ...aussi l'étude littéraire des textes, l'analyse historique, la veille technologique, la documentation, etc. C’est là le domaine de ce que l’on appelle les « humanités numériques » (en anglais, digital humanities). Ce domaine concerne l’utilisation et le développement d’outils numériques dans les différentes...