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HOU HSIAO-HSIEN (1947- )

Hou Hsiao-hsien - crédits : Jean Baptiste Lacroix/ WireImage

Hou Hsiao-hsien

Né en Chine, où il ne vécut que quelques mois, Hou Hsiao-hsien devint, au début des années 1980, le chef de file du nouveau cinéma taiwanais, qui regroupait plusieurs jeunes cinéastes déterminés, dans la lignée d'un large mouvement intellectuel commencé à la fin des années 1970, à affirmer une identité spécifiquement taiwanaise en racontant leurs propres histoires, celles de leur terroir, dans des films qui eurent valeur de défi lancé au cinéma commercial (mélodrames et comédies sentimentales traditionnels) comme de critique implicite de la thèse officielle de la « réunification » de Taiwan avec la Chine continentale. Fort de ces principes, Hou Hsiao-hsien a mené à bien une œuvre où se manifestent autant une volonté de renouvellement esthétique qu'une inspiration romanesque personnelle, inséparable d'une prise en charge de l'histoire de son pays.

Sa vision méticuleuse des relations à l'intérieur des familles chinoises, des codes et des liens très complexes qui régissent celles-ci, comme sa description précise de la réalité sociale reflètent l'inspiration autobiographique de Hou Hsiao-hsien, qui perdit prématurément ses parents, passant alors sous la coupe d'une famille élargie, ce qui ne l'empêcha pas de faire, parmi les bandes de voyous, l'expérience des tensions que ceux-ci soulevèrent dans la petite ville de la province taiwanaise de ses jeunes années. Après deux premiers films dont il sera le premier à reconnaître le manque d'ambition artistique (Charmante Demoiselle, 1980, et Vent folâtre, 1981), son style, marqué par un réalisme contemplatif dont l'ampleur atteint une forme de lyrisme social, apparaît pleinement dans Les Garçons de Feng-kuei (1983), chronique des quelques jours que passent des petits voyous dans la capitale, Taipei (le cinéaste y tourna notamment dans la maison où il vécut étudiant), avant leur départ pour le service militaire. Un été chez grand-père (1984), récit des aventures et découvertes de deux enfants en vacances, met davantage encore en relief la sensibilité du cinéaste, son art de peindre le vide et l'ennui, mais aussi les émois de ces journées de liberté (inspirées par les souvenirs de sa coscénariste attitrée, la romancière Chu Tien-wen) dont il tire un langage universel.

Avec Le Temps de vivre, le temps de mourir (1985), tourné sur les lieux de son enfance, puis Poussière dans le vent (1986), Hou Hsiao-hsien élève brillamment son cinéma à la dimension de la saga familiale, sans perdre, dans ce matériau romanesque plus foisonnant, une proximité avec la réalité sensible, saisie par une caméra qui cultive cependant la distance. Cette approche si particulière, sous l'influence d'Ozu comme de la peinture chinoise, marque, par sa volonté de ne pas agir sur le réel, afin d'en respecter l'ordre secret, une forme de taoïsme, en tout cas une quête de l'harmonie à travers la poésie d'une mémoire nostalgique.

Déjà omniprésente, mais comme toile de fond surtout, la réalité historique va devenir prépondérante dans une trilogie mettant en scène l'occupation japonaise à Taiwan de 1895 à 1945 (Le Maître de marionnettes, 1993), la restitution de l’île à la Chine et les remous qui en découlèrent de 1945 à 1949 (La Cité des douleurs, 1989), à nouveau évoqués dans Good Men, Good Women (1995), où l'évocation du passé et celle du présent se rejoignent. Dans cette fresque qui retrace la naissance d'une nation, Hou Hsiao-hsien brise pour la première fois le silence entourant certains événements politiques de son pays. Il ne se veut pas un peintre de l'histoire officielle, surtout pas esthétiquement : c'est aux destins personnels qu'il s'attache, emportés par le souffle de l'Histoire, dont il propose une mosaïque de miniatures intimistes. Le plan fixe est sa règle, imposant l'acuité et la pureté de ses compositions,[...]

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Pour citer cet article

Frédéric STRAUSS. HOU HSIAO-HSIEN (1947- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Hou Hsiao-hsien - crédits : Jean Baptiste Lacroix/ WireImage

Hou Hsiao-hsien

Autres références

  • GOOD BYE SOUTH, GOOD BYE (Hou Hsiao-Hsien)

    • Écrit par Marie-Anne GUÉRIN
    • 1 277 mots

    Enfant, Hou Hsiao-hsien aimait « rester pensivement installé dans les branchages ». « J'y sentais le vent, j'entendais la rumeur de la circulation », ajoute-t-il. Le cinéaste taïwanais déclare ensuite que c'est « pour » ces moments-là, qu'il est devenu cinéaste. Car « seul le cinéma est capable de capturer...

  • LE MAÎTRE DE MARIONNETTES, film de Hou Hsiao-hsien

    • Écrit par Kristian FEIGELSON
    • 886 mots

    Né en 1947, à Meishien, dans la province de Canton, immigré à Taïwan en 1949, après la guerre civile, Hou Hsiao-hsien étudie le cinéma à la fin des années 1970. La France le découvre en 1984 au festival des 3 Continents, à Nantes, avec Les Garçons de Fengkui (Fengkui laide ren, 1983),...

  • TAÏWAN [T'AI-WAN]

    • Écrit par Philippe CHEVALÉRIAS, Évelyne COHEN, Jean DELVERT, Universalis, François GODEMENT, Adrien GOMBEAUD, Frank MUYARD, Angel PINO, Isabelle RABUT, Pierre SIGWALT, Charles TESSON
    • 23 403 mots
    • 11 médias
    Hou Hsiao-hsien, fonde une société privée, Evergreen, et produit L’Histoire de Hsiao Pi (1983), signée par Chen Kun-hou, qui raconte la vie d’un garçon, de l’enfance à l’adolescence. Conforté par le succès public et critique de L’Histoire du temps qui passe, Hsiao Yeh renouvelle l’expérience...
  • YANG EDWARD (1947-2007)

    • Écrit par Charles TESSON
    • 884 mots

    Le prix de la mise en scène attribué au festival de Cannes, en 2000, à Yi Yi aura été une consécration tardive pour Edward Yang, un cinéaste discret, à l'indépendance farouche, qui est l'origine, avec Hou Hsiao-hsien, de la nouvelle vague taïwanaise du début des années 1980. Si son...

  • ZHU TIANWEN ET ZHU TIANXIIN

    • Écrit par Angel PINO, Isabelle RABUT
    • 901 mots

    Si la Chine a connu d’innombrables dynasties de lettrés, la lignée des Zhu [Chu] – qui, à travers le père, Xining [Hsi-ning], et ses deux filles T’ien-hsin et T’ien-wen, a donné à Taïwan trois de ses plus grands écrivains contemporains – demeure un cas exceptionnel. Issu d’une ...

Voir aussi